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qui nous ramène, sans espoir, au port dont nous étions sortis.

Une nuit qu’il philosophait avec M. le Doyen, il lui dit :

— Comme on a raison, mon ami, de prétendre que la vérité habite dans un puits… Les seaux descendent tour à tour pour la pêcher et ne rapportent jamais que de l’eau claire… Je vous laisse deviner, — ajouta-t-il finement, — comment j’écris le mot sots.

C’est le seul calembour qu’on l’ait jamais entendu faire.


IV

à quoi le docteur héraclius employait
les douze heures de la nuit


Quand le docteur Héraclius rentrait chez lui, le soir, il était généralement beaucoup plus gros qu’au moment où il sortait. C’est qu’ainsi chacune de ses poches, et il en avait dix-huit, était bourrée des antiques bouquins philosophiques qu’il venait d’acheter dans la Ruelle des Vieux Pigeons ; et le facétieux recteur prétendait que, si un chimiste l’eût analysé à ce moment, il aurait trouvé que le vieux papier entrait pour deux tiers dans la composition du Docteur.

À sept heures, Héraclius Gloss se mettait à table, et tout en mangeant, parcourait les vieux livres dont il venait de se rendre acquéreur.

À huit heures et demie le Docteur se levait magistralement, ce n’était plus alors l’alerte et sémillant petit homme qu’il avait été tout le jour, mais le grave penseur dont le front plie sous le poids de hautes méditations, comme un portefaix sous un fardeau trop lourd. Après avoir lancé à sa gouvernante un majestueux « je n’y suis pour personne », il disparaissait dans son cabinet. Une fois là, il s’asseyait devant sa table de travail encombrée de livres et… il songeait. Quel étrange spectacle pour celui qui eût pu voir alors dans la pensée du Docteur !… Défilé monstrueux des Divinités les plus contraires et des croyances les plus disparates, entrecroisement fantastique de doctrines et d’hypo-