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dû être oublié, pendant plusieurs siècles, entre les feuillets d’un in-folio, à côté d’une rose et d’une violette, car il était toujours très coquet et très parfumé. Sa figure surtout était tellement en lame de rasoir que les branches de ses lunettes d’or, dépassant démesurément ses tempes, faisaient assez l’effet d’une grande vergue sur le mât d’un navire. « S’il n’eût été le savant docteur Héraclius, disait parfois M. le Recteur de la Faculté de Balançon, il aurait fait certainement un excellent couteau à papier. » Il portait perruque, s’habillait avec soin, n’était jamais malade, aimait les bêtes, ne détestait pas les hommes et idolâtrait les brochettes de cailles.


III

à quoi le docteur héraclius employait
les douze heures du jour


À peine le Docteur était-il levé, savonné, rasé et lesté d’un petit pain au beurre trempé dans une tasse de chocolat à la vanille, qu’il descendait à son jardin. Jardin peu vaste comme tous ceux des villes, mais agréable, ombragé, fleuri, silencieux, je dirais réfléchi, si j’osais. Enfin qu’on se figure ce que doit être le jardin idéal d’un philosophe à la recherche de la vérité, et on ne sera pas loin de connaître celui dont le docteur Héraclius Gloss faisait trois ou quatre fois le tour au pas accéléré, avant de s’abandonner aux quotidiennes brochettes de cailles du second déjeuner. Ce petit exercice, disait-il, était excellent au saut du lit ; il ranimait la circulation du sang, engourdie par le sommeil, chassait les humeurs du cerveau et préparait les voies digestives.

Après cela le Docteur déjeunait. Puis, aussitôt son café pris, et il le buvait d’un trait, ne s’abandonnant jamais aux somnolences des digestions commencées à table, il endossait sa grande redingote et s’en allait. Et chaque jour, après avoir passé devant la faculté, et comparé l’heure de son oignon Louis XV à celle du hautain cadran de l’horloge