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plusieurs années avant ses œuvres maîtresses, Maupassant avait les mêmes directions de pensée, qui, plus tard, servirent de thème à ceux dont l’idée critique voulut expliquer certaines hallucinations, écrites avec une intensité et un réalisme poignants. Cependant le Docteur Héraclius Gloss fut bien composé par le bon athlète plein de vie, de robustesse, de santé physique et morale, que connurent les amis de Médan. C’est que Guy, de tout temps, même très jeune, fut dominé par une inclinaison naturelle au pessimisme, comme presque tous ceux dont l’âme résonne des moindres vibrations ambiantes et dont l’esprit enregistre, avec une lucidité et une profusion douloureuses, les plus imperceptibles nuances d’humanité.

À la Revue de Paris on a pensé qu’il devait être intéressant de produire cette petite œuvre d’une période où Maupassant se donnait, tout entier, au labeur permanent d’une proche formation.

Simplement, et nous tenant très loin de toute prétention — que Guy eût, à coup sûr, fermement répudiée — nous avons cru qu’il ne nous appartenait pas de ne point satisfaire à la saine curiosité, que, justement sans doute, on nous a fait pressentir.

jean ossola


I

ce qu’était, au moral, le docteur héraclius gloss


C’était un très savant homme que le docteur Héraclius Gloss. Quoique jamais le plus petit opuscule signé de lui n’eût paru chez les libraires de la ville, tous les habitants de la docte cité de Balançon regardaient le docteur Héraclius comme un homme très savant.

Comment et en quoi était-il docteur ? Nul n’eût pu le dire. On savait seulement que son père et son grand-père avaient été appelés docteurs par leurs concitoyens. Il avait hérité de leur titre en même temps que de leur nom et de leurs biens ; dans sa famille on était docteur de père en fils, comme, de père en fils, on s’appelait Héraclius Gloss.