Page:Revue de Paris - 1921 - tome 3.djvu/769

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
765
l’élève

tions. Il n’avait pas, bien entendu, résolu la question ; il s’agissait apparemment d’un conseil pour savoir vers qui se tourner, qui consentirait à prendre Amy.

— Envoyez-la au diable ! — jappa Ulick, montrant ainsi à Pemberton que la famille non seulement avait perdu son amabilité, mais encore avait cessé de croire en elle-même.

Il était visible aussi que si Mrs Moreen essayait de trouver quelqu’un pour prendre ses enfants on pouvait la considérer comme étant en train de carguer ses voiles en prévision de la tempête. Mais Morgan était le dernier dont elle se séparerait.

Un après-midi d’hiver — c’était un dimanche — les deux amis allèrent faire une longue promenade au Bois de Boulogne. La fin du jour était si magnifique, le coucher de soleil d’une couleur citron si claire, le défilé des voitures et des piétons si amusant, la fascination de Paris si grande, qu’ils s’attardèrent et s’aperçurent soudain qu’il allait leur falloir se dépêcher pour arriver à l’heure du dîner. Ils se dépêchèrent donc, bras dessus, bras dessous, affamés et de bonne humeur, convenant qu’il n’y avait en somme rien comme Paris, et, qu’après tout ce qu’ils avaient éprouvé, ils n’étaient pas encore rassasiés de plaisirs innocents. En arrivant à l’hôtel ils découvrirent que, encore que scandaleusement en retard, ils arrivaient à temps pour le dîner qui s’offrirait vraisemblablement à eux. Une grande confusion régnait dans l’appartement des Moreen — bien misérable cette fois, mais encore le meilleur de la maison — et, en présence du dîner interrompu, de la vaisselle en désordre comme après une rixe et d’une grande tache de vin laissée par une bouteille renversée, Pemberton ne put se dissimuler qu’il y avait eu une scène où la volonté du propriétaire avait dû s’affirmer avec la dernière rigueur. La tempête était arrivée, — ils cherchaient tous un refuge. Les voiles étaient carguées, et Paula et Amy invisibles. Elles n’avaient jamais eu recours à l’égard de Pemberton aux plus élémentaires de leurs artifices féminins, mais il sentait bien qu’il ne leur était pas assez indifférent pour qu’elles se souciassent de le rencontrer au moment où on venait de confisquer leurs robes. Quant à Ulick, il paraissait avoir sauté par-dessus bord. Le propriétaire et son personnel avaient, en un mot,