des tas d’argent en peu de temps et nous vivrons avec cela.
— J’espère du moins que le riche jeune homme sera une belle nullité. C’est bien probable — ajouta Morgan entre parenthèses. — Et qu’il vous faudra longtemps pour lui faire entrer les choses dans la tête.
— Évidemment, plus il me gardera et plus nous aurons d’argent pour nos vieux jours.
— Mais supposez qu’on ne vous paie pas ! — dit Morgan non sans terreur.
— Oh ! on ne rencontre pas deux fois deux…
Mais Pemberton s’interrompit : il avait été sur le point d’employer une épithète regrettable qu’il remplaça par « de telles fatalités. »
Morgan rougit et les larmes lui vinrent aux yeux.
— Dites toujours, allez : deux brigands pareils, n’est-ce pas ?
Puis il ajouta sur un autre ton :
— Qu’il est heureux ce jeune richard !
— Pas s’il est une belle nullité.
— Oh ! on est plus heureux ainsi. Mais on ne peut pas tout avoir, n’est-ce pas ?
Et l’enfant sourit.
Pemberton le prit par les épaules et l’étreignit vigoureusement — il ne l’avait jamais autant aimé :
— Qu’allez-vous devenir, qu’allez-vous devenir ?
Il songea à Mrs Moreen et aux soixante francs dont l’absence rendait la situation désespérée.
— Je deviendrai un homme fait.
Puis, comme s’il apercevait toute la portée de la remarque que venait de faire Pemberton, il ajouta :
— Je m’entendrai mieux avec eux quand vous ne serez plus là.
— Ah ! ne parlez pas ainsi. On dirait que je vous excite contre eux.
— C’est vrai. Il me suffit de vous voir. Ne vous fâchez pas, vous savez ce que je veux dire. Je serai magnifique à leur égard. Je prendrai leurs affaires en main. Je marierai mes sœurs.
— Vous vous marierez vous-même, — dit Pemberton gaîment comme si le ton le plus convenable ou le moins