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LA REVUE DE PARIS

fortunées où il était — toujours suivant son expression et en conformité avec leur juste idéal — « épatamment » superficiel. La preuve en était son assertion fondamentale qu’il irait bientôt à Oxford, au collège de Pemberton et, avec l’aide et l’appui de celui-ci, y ferait les choses les plus extraordinaires. Le jeune homme s’attristait de voir combien en caressant ce projet l’enfant s’inquiétait peu des moyens de le réaliser, alors qu’en général et dans les autres matières il se montrait si raisonnable. Pemberton essayait de se représenter les Moreen à Oxford et ne pouvait heureusement y parvenir. Et cependant, à moins qu’ils ne s’y installassent, il n’existait pas pour Morgan de modus vivendi. Comment s’en tirerait-il sans une pension et d’où cette pension viendrait-elle ? Lui, Pemberton, pouvait vivre aux dépens de Morgan, mais comment Morgan pourrait-il vivre aux siens ? De toute façon qu’allait devenir son élève ? Qu’il fût devenu un grand garçon, avec une meilleure santé en perspective, cela ne faisait que rendre plus difficile le problème de son avenir. Tant que la délicatesse de sa santé était évidente, l’intérêt qu’il inspirait aux gens rendait ce problème moins inquiétant. Pemberton avait la conviction secrète qu’il serait probablement assez fort pour vivre mais pas assez pour lutter et vaincre. Quoi qu’il en fût, il n’avait pas encore dépassé l’aube radieuse de l’adolescence et le choc de la tempête n’était pour lui que l’appel de la vie et le défi du destin. Il avait mis son petit pardessus usagé, relevé son col et prenait plaisir à sa promenade.

Celle-ci fut interrompue par l’apparition de sa mère au bout de la sala. Elle lui fit signe de la rejoindre et Pemberton, tout en la regardant s’éloigner sur le faux marbre humide de la longue perspective, se demandait ce qu’il y avait dans l’air. Mrs Moreen dit un mot à l’enfant et le fit entrer dans la pièce qu’elle venait de quitter. Puis, refermant la porte sur lui, elle se dirigea vivement vers Pemberton. Il y avait certainement quelque chose dans l’air, mais jamais, même dans ses moments de plus grande extravagance, son imagination n’aurait pu concevoir de quoi il s’agissait en réalité. Elle déclara qu’elle avait trouvé un prétexte pour éloigner Morgan, puis demanda — sans hésitation — si le jeune homme