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LA REVUE DE PARIS

— Vous feriez mieux de me laisser finir votre éducation, — dit Pemberton sur un ton de prière.

Il s’abandonnait à l’étrange supériorité de l’enfant.

Celui-ci s’arrêta et leva les yeux vers lui. Il lui fallait les lever beaucoup moins que deux ans auparavant tant son corps maigre et dégingandé s’était allongé.

— Finir mon éducation ? — répéta-t-il.

— Nous pouvons encore avoir beaucoup de bon temps tous les deux. Je veux vous perfectionner. Je veux que vous me fassiez honneur.

Morgan continuait à le regarder.

— Que je vous fasse crédit, vous voulez dire.

— Mon cher enfant, vous êtes trop intelligent pour vivre.

— Voilà justement ce que je crains que vous ne pensiez. Non, non, ce n’est pas juste, je ne peux pas supporter cela. Nous nous séparerons la semaine prochaine. Plus tôt nous nous déciderons et plus vite nous serons tranquilles.

— Si j’entends parler de quelque chose… une occasion… Je vous promets de m’en aller.

Morgan accepta de prendre cet engagement en considération.

— Vous agirez loyalement ? — dit-il. — Vous ne ferez pas comme si vous n’aviez entendu parler de rien ?

— Il est beaucoup plus probable que je ferai le contraire.

— Mais comment entendre parler de quoi que ce soit, à la façon dont vous vivez dans notre trou ? Vous devriez être sur les lieux, aller en Angleterre, en Amérique.

— On dirait que c’est vous qui êtes mon précepteur.

Morgan se remit à marcher et au bout d’un instant recommença :

— Maintenant que vous savez que je sais et que nous regardons les choses en face sans rien nous cacher, nous nous sentirons plus à l’aise, n’est-ce pas ?

— Mon cher enfant, notre conversation est si amusante, si intéressante qu’il me sera certainement tout à fait impossible d’oublier l’heure que nous sommes en train de passer ensemble !

Là-dessus Morgan s’arrêta de nouveau :

— Vous ne me dites pas tout. Oh ! vous n’êtes pas franc comme moi !