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l’élève

— Oh ! il n’en manque pas. Ça va, de ce côté-là.

— Ils en ont assez pour les gens qu’ils connaissent, c’est sûr. Les gens qu’ils connaissent sont inouïs.

— Vous faites allusion aux princes ? Ne disons rien contre les princes.

— Pourquoi pas ? Ils n’ont pas épousé Paula, ni Amy. Ils ne font que plumer Ulick.

— Vous êtes, en effet, au courant de tout, — déclara Pemberton.

— Hé bien non, après tout. Je ne sais pas de quoi ils vivent, ni comment, ni pourquoi ! Qu’est-ce qu’ils ont et comment l’ont-ils eu ? Sont-ils riches ou pauvres, ou ont-ils seulement une modeste aisance ? Pourquoi sont-ils toujours à me trimballer, vivant une année comme des ambassadeurs et l’autre comme des indigents ? Enfin, qui sont-ils et que sont-ils ? J’ai pensé à tout cela, j’ai pensé à des tas de choses. Ils sont terriblement mondains. C’est cela que je déteste le plus. Oh ! je l’ai bien vu. Tout ce dont ils se soucient c’est de paraître et de se faire passer pour ceci ou pour cela. Pourquoi diable veulent-ils se faire passer ? Dites-le moi, M. Pemberton ?

— Vous attendez ma réponse ? — dit ce dernier traitant la question comme une plaisanterie, bien qu’il fût intrigué lui aussi et grandement frappé par cette vision aiguë encore qu’imparfaite de son compagnon. — Je n’en ai pas la moindre idée.

— Et à quoi cela leur sert-il ? Est-ce que je n’ai pas vu comment les autres les traitent, je veux dire les « gens bien », ceux qu’ils voudraient connaître ? Ils acceptent tout de ces gens-là, ils se prosternent devant eux, se laissent marcher sur les pieds. Et les gens bien détestent cela, ça les dégoûte. Vous êtes la seule personne vraiment bien que nous connaissions.

— En êtes-vous sûr ? Ils ne se prosternent pas devant moi !

— Mais vous ne vous prosternez pas devant eux. Il faut que vous vous en alliez, voilà le parti à prendre.

— Et que deviendrez-vous ?

— Oh ! je grandis. Je filerai avant longtemps. Je vous reverrai plus tard.