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l’élève

— Je trouve qu’il le devrait. Je fais des sacrifices pour lui. Bien que j’aie entendu parler des vôtres, je ne les ai jamais vus.

Mrs Moreen le fixa un moment, puis, avec émotion, saisit sa main.

— Voulez-vous faire ce sacrifice ?

Pemberton éclata de rire :

— Je verrai ; je ferai ce que je pourrai ; je resterai encore un peu. Votre calcul est juste : il m’est extrêmement pénible de l’abandonner. Il m’est cher et m’intéresse profondément en dépit des ennuis que j’éprouve. Vous connaissez parfaitement ma situation ; je ne possède pas un sou au monde et, occupé comme je le suis avec Morgan, il m’est impossible de gagner de l’argent.

Mrs Moreen tapota son bras nu avec le billet de banque plié.

— Ne pouvez-vous pas faire des traductions comme moi ?

— Je ne sais pas traduire. Et c’est très mal payé.

— Je suis heureuse du peu que je gagne, — dit-elle avec un air de mérite prodigieux.

— Vous devriez bien me dire pourquoi vous le faites.

Pemberton s’arrêta un moment et elle ne dit rien. Alors il ajouta :

— J’ai essayé de trousser quelques petites variétés, mais les magazines n’en veulent pas. On me les refuse avec des remerciements.

— Vous voyez bien que vous n’êtes pas un tel phénix, — Mrs Moreen eut un fin sourire, — et vous n’allez pas nous faire croire que vous nous sacrifiez des dons.

— Je n’ai pas assez de temps pour bien faire les choses, — dit Pemberton tristement.

Puis, trouvant qu’il y avait une sorte d’abjection dans la bonté avec laquelle il donnait des explications, il ajouta :

— Si je reste plus longtemps, c’est à une condition : c’est que Morgan saura sur quel pied je suis.

Mrs Moreen hésita :

— Vous n’avez pas envie d’étaler vos mérites aux yeux d’un enfant ?

— Non, mais votre indignité.

De nouveau, Mrs Moreen chercha une réponse, mais cette fois ce fut pour sortir une perle plus belle encore :