Page:Revue de Paris - 1921 - tome 3.djvu/738

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
734
LA REVUE DE PARIS

et, lorsque le trésor fut dépensé, Morgan, qui s’en était aperçu, parla. La famille était revenue à Nice au commencement de l’hiver, mais non pas à la charmante villa. Elle était descendue à un hôtel où elle resta trois mois, puis de là se transporta dans un autre établissement, expliquant qu’elle s’en allait parce qu’elle était lasse d’attendre certaines chambres qu’elle voulait. Ces appartements, ces chambres qu’elle voulait étaient généralement splendides, mais, heureusement, on ne pouvait jamais les obtenir. Heureusement pour Pemberton s’entend. Car il se faisait toujours la réflexion que si les Moreen les avaient obtenus, il leur serait resté encore moins d’argent pour les dépenses d’éducation de Morgan. Lorsque Morgan finit par parler, il le fit d’une façon brutale et inattendue, le jour où il jugea le moment venu, au beau milieu d’une leçon, et sous une forme en apparence cruelle :

— Il faut filer, vous savez.

Pemberton le regarda fixement :

— Ah ! mon cher ami, ne me mettez pas à la porte.

Morgan attira à lui un dictionnaire grec (il se servait d’un dictionnaire grec-allemand) pour chercher un mot au lieu de le demander à Pemberton.

— Vous ne pouvez pas continuer comme ça.

— Comme quoi, mon garçon ?

— Vous savez bien qu’on ne vous paie pas.

Morgan rougit en continuant de tourner ses pages.

— On ne me paie pas ?

Pemberton le regarda encore fixement, feignant l’étonnement.

— Qui a pu vous mettre cela en tête ?

— Cela y est depuis longtemps, — répliqua l’enfant, poursuivant ses recherches.

Pemberton garda le silence puis continua :

— Que cherchez-vous ? On me paie magnifiquement.

— Je cherche comment se dit en grec « une énorme blague », — laissa tomber Morgan.

— Cherchez-le au mot « grosse impertinence » et détrompez-vous. Qu’ai-je besoin d’argent ?

— Oh ça ! c’est une autre question.

Pemberton, indécis, était travaillé de différentes façons. Il