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travail de propagande révolutionnaire qui se faisait à l’arrière et sur le front même, soit dans certains hôpitaux, généralement privés, soit dans les organisations civiles de charité qui travaillaient à l’arrière. S’il est vrai que certaines organisations de ravitaillement venaient courageusement s’établir avec leurs grandes tentes jusque sous le feu des batteries ennemies, le plus grand nombre pourtant ne servait, involontairement parfois, qu’à entretenir et à faciliter la désertion. Les déserteurs avaient découvert le moyen d’échapper aux recherches : ils vagabondaient en effet d’un de ces centres de ravitaillement à l’autre, y couchant, y mangeant, sans jamais sortir de la zone des armées. On prit des mesures spéciales pour combattre ce fléau, mais on n’en vint jamais entièrement à bout. Il s’accrut encore après la révolution.

Voici deux faits, d’importance secondaire, mais bien démonstratifs de la nervosité croissante de l’armée et du travail de propagande révolutionnaire. L’intendance avait fourni aux régiments des lentilles au lieu de pois : un homme ayant déclaré qu’on ne donne de lentilles qu’aux bestiaux, toute une compagnie refusa la soupe. Une autre fois un sergent, fort brave, décoré de deux croix de Saint-Georges et revenu d’un hôpital privé, où il avait été en traitement pour blessure, profita du séjour de sa section aux avant-postes pour passer à l’ennemi avec un soldat juif, tandis qu’un gradé polonais qu’il avait essayé d’entraîner, courait, trop tard, avertir son lieutenant. Avant de passer à l’ennemi, le sergent avait laissé dans la tranchée ses croix et ses papiers, parmi lesquels on trouva une photographie où on le voyait au bras d’une jeune infirmière. L’enquête prouva qu’il y avait eu entente préalable avec l’ennemi, qui avait envoyé des hommes à la rencontre des traîtres, et que le sergent avait manifestement été « travaillé » pendant son séjour à l’hôpital.

Pour maintenir l’esprit de corps si fort dans la vieille armée russe, où chaque régiment avait son histoire et ses traditions remontant souvent à Pierre le Grand (par exemple le 12e Turkestan), il eût fallu un corps d’officiers homogène et instruit. Voyons ce qu’étaient devenus les cadres à la fin de 1915.

Cette année-là, en septembre, à la fin de la retraite, il ne res-