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LA REVUE DE PARIS


Vient ensuite un Éthiopien, qui offre cette bizarrerie d’avoir quatre yeux. Ici, Isidore est muet aussi bien qu’Honorius d’Autun ; mais, si nous consultons le Polyhisior de Solin, ce livre des merveilles si bien fait pour plaire au moyen âge, nous trouvons le texte qui explique cette singulière figure : « Les Éthiopiens, qui habitent au bord de la mer, dit Solin, passent pour avoir quatre yeux. »

Après ce tableau des peuples étranges, dont nous n’avons qu’une partie, car la colonne de Souvigny est à moitié brisée, nous rencontrons, sur une autre face, les monstres qui vivent aux extrémités de la terre. L’artiste s’inspire, ici, des chapitres qu’Honorius d’Autun a consacrés aux merveilles de l’Inde, car tous les monstres, dont le nom est inscrit sur la colonne, se retrouvent dans ce chapitre. Voici la mantichore de Ctésias, ce monstre à face humaine qui court plus vite que l’oiseau ne vole et qui siffle comme le serpent. Voici le griffon, à la fois aigle et lion qui garde les trésors. Voici la licorne avec sa corne sur le front : l’artiste, fidèle à une vieille tradition de l’art oriental, a représenté cette corne rejetée en Arrière. Voici le plus célèbre des animaux de l’Inde, l’éléphant ; et voici enfin la sirène, moitié femme et moitié poisson.

Ainsi la colonne de Souvigny était à la fois un calendrier et un tableau des merveilles du monde. Elle est aujourd’hui dans l’église, mais il est évident qu’elle n’est pas à sa place. Jadis elle s’élevait sans doute au milieu du cloître, et elle portait peut-être à son sommet le gnomon d’un cadran solaire. Le moine méditatif y voyait une image de l’espace et du temps.

Ce double tableau zoologique et ethnographique devint un des thèmes des artistes clunisiens. On le retrouvait à Saint-Sauveur de Nevers, prieuré de l’ordre de Cluny. L’église est aujourd’hui détruite, mais plusieurs de ses chapiteaux se conservent au Musée archéologique de la ville. Nous reconnaissons quelques-uns des êtres fabuleux de la colonne de Souvigny : l’Éthiopien (ETHIOP) monté sur un dragon, la mantichore à tête humaine, la licorne. Au satyre a été substitué le faune, que nomme également Isidore de Séville. L’inscription l’appelle FINOS PHICA... ce qui semble à