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LA REVUE DE PARIS

ils tombèrent sur un petit appartement meublé, au quatrième étage, dans une avenue de troisième ordre, où l’escalier sentait mauvais et dont le portier était détestable. Ils passèrent là les quatre mois suivants, dans une morne indigence.

Le plus heureux, pendant ce décevant séjour, furent le précepteur et son élève. Ils visitèrent les Invalides, Notre-Dame, la Conciergerie, tous les musées et firent quantité de promenades profitables. Ils apprirent à connaître Paris, ce qui était utile, car ils revinrent une autre année pour un plus long séjour que la mémoire de Pemberton confond aujourd’hui lamentablement dans ses grandes lignes avec le précédent. Il revoit la culotte râpée de Morgan, cette éternelle culotte qui n’allait pas avec sa blouse et dont le délabrement ne pouvait que grandir avec la taille de l’enfant. Il se souvient aussi de certains trous dans ses trois ou quatre paires de bas de couleur.

Morgan était cher à sa mère, mais il n’était jamais mieux habillé qu’il n’était absolument nécessaire. C’était assurément un peu sa propre faute, car il était aussi indifférent à son aspect extérieur qu’un philosophe allemand.

— Mon cher enfant, vous êtes en loques, — lui disait Pemberton en manière d’ironique remontrance ; ce à quoi l’enfant répondait :

— C’est comme vous, mon cher ; je ne peux pas vous éclipser.

Pemberton ne pouvait rien répondre à cela ; cette assertion n’était que trop exacte. Cependant, si les imperfections de sa garde-robe étaient à elles seules tout un poème, il n’aimait pas que l’enfant confié à ses soins eût l’air pauvre. Plus tard il prit l’habitude de dire :

— Hé bien, après tout, si nous sommes pauvres, pourquoi n’en aurions-nous pas l’air ?

Et il se consolait en pensant qu’il y avait une sorte de maturité distinguée dans le délabrement de la toilette de Morgan. Ce délabrement différait de la malpropreté du gamin qui abîme ses affaires en jouant. Il se rendait compte que, tant que le petit garçon se confinerait dans la société de son précepteur, l’astucieuse Mrs Morgan se dispenserait de renouveler sa garde-robe. Elle ne faisait rien que pour la montre, négligeait son fils parce qu’il échappait à l’attention et, redoutant