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l’élève

C’est ce qui arriva en effet, mais Pemberton dut lutter avec lui-même avant de le reconnaître. Il trouvait tout à fait bizarre de discuter là-dessus avec l’enfant. Il s’étonnait de ne pas en vouloir à l’espoir des Moreen de s’être laissé entraîner par lui. Mais lorsque cette discussion commença, tout sentiment d’irritation contre l’illustre rejeton de la famille lui était déjà devenu impossible. Morgan était un cas exceptionnel et le connaître c’était le prendre comme il était. Avant d’arriver à le connaître, Pemberton avait déjà épuisé l’aversion qu’il éprouvait pour les cas spéciaux. Lorsqu’il comprit, son embarras fut grand. Contre tout intérêt, il s’était attaché à son élève. Il leur faudrait affronter la vie ensemble. Avant de rentrer à la maison ce soir-là, à Nice, l’enfant avait dit, en se suspendant au bras de Pemberton :

— En tout cas, vous restez jusqu’au bout ?

— Jusqu’au bout ?

— Jusqu’à ce que vous soyez complètement battu ?

— C’est vous qui devriez l’être, — s’écria le jeune homme en l’attirant contre lui.


IV

Un an après l’arrivée de Pemberton chez eux, M. et Mrs Moreen abandonnèrent subitement leur villa de Nice. Pemberton s’était habitué à la soudaineté, l’ayant vu pratiquer déjà pendant deux petits voyages incohérents, l’un en Suisse, le premier été, et l’autre tard en hiver.

Au cours de ce dernier, ils s’étaient tous précipités à Florence puis, après une dizaine de jours, trouvant l’endroit beaucoup moins agréable qu’ils le pensaient, étaient revenus à la débandade, chassés par un découragement mystérieux. Ils étaient rentrés à Nice « pour toujours », disaient-ils. Cela ne les empêcha pas de s’empiler, une nuit de mai pluvieuse et lourde, dans un wagon de seconde classe — on ne savait jamais d’avance dans quelle classe on voyagerait. Pemberton les aida à arrimer une étonnante collection de colis et de valises. L’explication de cette manœuvre fut qu’ils avaient décidé de passer l’été quelque part, au bon air. Mais à Paris,