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l’élève


III

Un soir, à Nice, les deux amis assis dehors après une promenade, regardaient la mer à travers la lumière rose du couchant. Morgan dit soudain :

— Dites donc, est-ce que cela vous plaît de vivre avec nous dans cette intimité ?

— Mon cher enfant, pourquoi resterais-je si cela me déplaisait ?

— Comment puis-je savoir si vous resterez ? Je suis presque sûr que non. Vous partirez bientôt.

— J’espère que vous n’avez pas l’intention de me renvoyer ?

Morgan réfléchit un moment, regardant le coucher du soleil.

— Je crois que ce serait mon devoir de le faire.

— Je suis assurément censé vous enseigner votre devoir. Mais dans le cas présent ne le faites pas.

— Vous êtes très jeune, heureusement, — continua Morgan se tournant de nouveau vers son précepteur.

— Certes. À côté de vous.

— Ce sera donc moins grave pour vous de perdre tout ce temps.

— C’est bien ainsi qu’il faut voir les choses, — dit Pemberton complaisamment.

Ils restèrent silencieux une minute, après quoi l’enfant demanda :

— Aimez-vous beaucoup mon père et ma mère ?

— Mon Dieu, oui. Ce sont des gens charmants.

Morgan accueillit cette réponse par un autre silence, puis dit subitement et avec une affectueuse familiarité :

— Vous êtes un rude farceur.

Pemberton changea de couleur et non sans quelque raison. L’enfant vit aussitôt qu’il avait rougi. Là-dessus, il rougit lui-même, et maître et élève échangèrent un long regard où il y avait la conscience d’infiniment plus de choses qu’on n’en effleure d’habitude, même tacitement, entre gens dans leur situation respective. Pemberton en fut gêné. Voici qu’était soulevée sous une forme obscure une question qu’il