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l’élève

berton n’aimait guère la précocité chez les enfants et était désappointé d’en trouver des signes chez un disciple qui n’avait pas encore ses treize ans. Cependant il devina sur-le-champ que Morgan ne serait pas ennuyeux et constituerait même pour lui une sorte de stimulant. Cette idée le soutint en dépit de la sorte de répulsion qu’il éprouvait.

— Petit orgueilleux ! Nous ne sommes pas des gens dépensiers ! — protesta gaiement Mrs Moreen en essayant vainement d’attirer à nouveau le petit garçon à ses côtés. — Il faut que vous sachiez sur quoi vous pouvez compter, — continua-t-elle en s’adressant à Pemberton.

— Comptez sur le moins possible, ce sera plus sûr, — interrompit l’enfant. — Mais nous sommes des gens comme il faut.

— Grâce à vous surtout, — dit sa mère en se moquant tendrement. — Hé bien alors, à vendredi. Ne me dites pas que vous êtes superstitieux et ne nous faites pas faux bond. Vous nous verrez tous. Je suis désolée que mes filles soient sorties. Je crois qu’elles vous plairont et, vous savez, j’ai un autre fils tout à fait différent de celui-ci.

— Il essaie de m’imiter, — dit Morgan.

— Comment ! Il a vingt ans ! — s’écria Mrs Moreen.

— Vous êtes très spirituel, — dit Pemberton à l’enfant.

Remarque à laquelle sa mère fit écho avec enthousiasme, en déclarant que les boutades de Morgan étaient la joie de la maison.

L’enfant ne prêta aucune attention à ce qu’elle disait. Il demanda seulement avec brusquerie au visiteur — et celui-ci fut surpris après coup de n’avoir pas remarqué la hardiesse offensante d’une telle question :

— Avez-vous vraiment très envie d’entrer ici ?

— Pouvez-vous en douter, après la description qui m’a été faite ? — répliqua Pemberton.

Pourtant il n’en avait guère envie ; il s’y décidait parce qu’il lui fallait faire quelque chose après l’écroulement de sa fortune. Il avait, au cours d’une année passée à l’étranger, essayé du système qui consiste à risquer tout un petit patrimoine sur la vague hasardeuse d’une seule et décisive aventure. Il avait eu l’aventure, mais il ne lui restait plus de quoi