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L’ÉLÈVE


I

Le pauvre jeune homme hésitait et temporisait. Il lui était bien difficile d’aborder la question rétribution, de parler argent à une personne qui ne parlait que sentiment et semblait ne s’intéresser qu’aux choses du grand monde. Prendre congé, pourtant, eût été s’engager de façon définitive. Et il voulait auparavant régler ce côté conventionnel de son affaire. Mais il était embarrassé par les façons affables de cette grosse dame. Assise devant lui, elle tâchait d’introduire une main dodue et chargée de bagues dans un gant sale. Et, tout en pressant ce gant, tout en le faisant glisser, elle répétait des tas de choses excepté ce qu’il aurait voulu entendre, c’est-à-dire le chiffre de son traitement. Juste au moment où il allait nerveusement sonder le terrain, le petit garçon revint — le petit garçon auquel Mrs Moreen avait dit d’aller chercher son éventail. Il revint sans éventail, remarquant sur un ton détaché « qu’il ne pouvait pas le trouver ». En laissant échapper cet aveu cynique, il dévisagea hardiment le candidat à l’honneur de prendre en main son éducation. Ce dernier se dit, non sans mélancolie, que la première chose à apprendre à son petit élève serait de paraître s’adresser à sa mère en lui parlant et surtout de ne pas lui faire de réponse aussi inconvenante.