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LA REVUE DE PARIS

Lorsque l’un des Commandants de division le questionne sur l’heure du débouché, le Général Mangin semble hésiter un moment ; il promène son regard sur tous ses auditeurs, l’arrête sur le plan directeur, le lève à nouveau droit devant lui et lance d’une voix douce, comme s’il donnait l’indication la plus naturelle du monde : « Dix heures ! » Si cette voix n’était, comme je l’ai indiqué, sans réplique possible, ce serait un « toile ». Ainsi on fera sortir cinq divisions et quatre groupements de chars du masque des bois, en plein jour ? On prêtera le flanc aux vues du repaire d’artillerie qu’est le massif de Boulogne-ia-Grasse ? Personne ne pose ces questions, car le seul regard du Chef répond, d’avance : « Oui, on le fera. » — Et on le fit. Le 11 juin, à 10 heures, tous les canons de la 3e Armée entrent en action. Le jnassif de Boulogne-la-Grasse, où ils cherchent à neutraliser l’artillerie ennemie, se couvre de la fumée des éclatements et nos barrages commencent à aveugler le plateau de Méry, principal objectif de la contre-attaque. Nos bataillons et nos chars s’avancent à l’est, méthodiquement, très en ordre : des hauteurs de Coivrel, leur mouvement apparaît impressionnant. Les voici, bientôt, qui sont saisis par les obus ennemis, rares et hésitants d’abord, puis arrivant en trombe. Les Divisions de gauche, 129e et 152e, sont un moment dissociées par l’avalanche et semblent avoir des pertes sérieuses : elles prennent quelque retard sur les divisions de droite, mais poursuivent cependant leur progression. Les 165e et 48e Divisions au contraire, plus éloignées de l’artillerie flanquante de Boulogne-la-Grasse, ne tardent pas à prendre contact avec la ligne d’infanterie ennemie et la font ployer sous leur pression.

Je cours au sud, vers la zone d’action de la 48e Division, qui paraît être en plein succès. Je trouve le Général Prax et son état-major qui installent leur P. G. en plein champ, vers les débouchés est de Montiers : ils n’ont même pas sous la main leurs ateliers téléphoniques, mais ils suivent leurs bataillons à la vue et leurs batteries nous dépassent au galop, pour aller prendre position à quelques centaines de mètres derrière l’infanterie. C’est un tableau de guerre de mouvement,