l’eût repêché du fond de la mer et l’eût amené ici pour recevoir la prime de sauvetage ». Il ajouta, excité par l’heureux effet de ses remarques spirituelles, qu’il en offrait cinq livres « sans inventaire ».
Le Nan-Shan n’était pas à quai depuis une heure, qu’un petit homme maigre au nez rouge, à la figure rageuse, débarquait d’un sampan sur le quai de la Concession étrangère et se retournait incontinent pour lui montrer le poing.
Un grand individu aux jambes ridiculement maigres pour sa vaste bedaine et aux yeux liquides s’approcha en se dandinant :
— Vous venez d’en sortir, hein ? dit-il. Pas été long…
Il portait un complet de flanelle bleue couvert de taches ; aux pieds des souliers de cricket tout boueux ; une moustache d’un gris jaunâtre retombait sur sa lèvre. Les bords de son chapeau, en deux endroits, s’étaient détachés de la coiffe et laissaient paraître le jour.
— Hello ! Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda l’ex-premier lieutenant du Nan-Shan en lui serrant la main précipitamment.
— J’attends pour un poste dont on m’a parlé, quelque chose de sérieux, expliqua l’homme au chapeau crevé en soufflant d’une façon poussive. Le lieutenant montra de nouveau le poing au Nan-Shan.
— Il y a là-dedans un type qui n’est même pas capable de commander un radeau, déclara-t-il vibrant de colère, tandis que l’autre regardait autour de lui d’un air morne.
— C’est vrai ?
Mais il aperçut sur le quai un lourd coffre de marin, peint en brun, sous une couverture de toile à voile effilochée et amarrée avec de la manille neuve. Il le lorgna avec intérêt.
— Je parlerais bien, et j’en aurais long à dire, n’était ce sacré pavillon siamois. Personne à qui se plaindre… sans quoi, il lui en cuirait… canaille ! Il a dit à son mécanicien en chef – encore une autre canaille – que j’avais perdu la tête. C’est le plus grand tas d’idiots et de mabouls qui aient jamais navigué. Non ! tu ne peux t’imaginer…
— Tu as reçu ta paie ? demanda soudain son minable compagnon.