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à pic qui cherchaient à se chevaucher, se heurtaient entre elles et claquaient pesamment contre les flancs du Nan-Shan, cependant qu’un gémissement affaibli, l’infinie plainte de la fureur de la tempête, arrivait de par-delà les confins de ce calme oppressant.

Le capitaine Mac Whirr restait silencieux. Jukes, l’oreille tendue, perçut soudain le rugissement lointain et traînant de quelque immense lame invisible qui prenait son élan sous l’épaisse obscurité formant l’effroyable limite de son cercle visuel.

— Naturellement, recommença-t-il acrimonieusement ; ils s’imaginaient que nous en profitions pour les piller. Naturellement ! Vous aviez dit de ramasser l’argent. Plus facile à dire qu’à faire. Ils ne pouvaient pas deviner ce que nous avions dans la tête. Nous sommes arrivés comme une bombe au beau milieu d’eux. Obligés de charger à fond et vivement.

— Du moment que c’est fait…, marmotta le capitaine, sans essayer de regarder Jukes. Il fallait faire pour le mieux.

— Et ce sera encore le diable pour régler les comptes quand ceci sera fini, dit Jukes, qui se sentait tout endolori. Laissez-les seulement se ressaisir un peu, et vous verrez ! Ils nous sauteront à la gorge, capitaine. N’oubliez pas, capitaine, que le Nan-Shan n’est plus un navire anglais maintenant. Et ces animaux-là le savent bien aussi. Le sacré pavillon siamois…

— N’empêche pas que nous sommes à bord, remarqua Mac Whirr.

— Et nous n’en avons pas fini avec les embêtements, insistait Jukes d’un ton prophétique. (Il trébucha, se rattrapa.) Quelle épave ! ajouta-t-il tout bas.

— Ce n’est pas encore fini, acquiesça le capitaine à mi-voix… Veillez un instant, n’est-ce pas…

— Vous allez quitter la passerelle, capitaine ? demanda Jukes anxieusement, comme si l’orage n’attendait que le départ du capitaine pour foncer sur le navire.

Il le contempla, ce navire battu, solitaire, qui faisait effort dans un décor sauvage de montagnes d’eau noire éclairées par