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aboya Salomon Rout dans le porte-voix.

— Pluie et nuit. Peux pas voir ce qui vient, dit la voix. Faut bien – garder vitesse – juste assez pour– obéisse gouvernail – courir la chance, continu a-t-elle, détachant distinctement tous les mots.

— Je donne tout ce que j’ose.

— Nous sommes – joliment – secoués là-haut, poursuivit la voix avec douceur. Pourtant – ça ne va pas trop mal – Ah ! naturellement, si la timonerie était emportée…

M. Rout, penchant une oreille attentive, marmotta quelque chose avec aigreur. Mais la voix lente et avisée là-haut s’anima pour demander :

— Jukes n’est pas encore arrivé ?

Puis, après une courte attente :

— J’aimerais bien qu’il se dépêchât ; je voudrais qu’il en finisse et qu’il monte ici au cas où il arriverait quelque chose. Pour veiller au navire. Je suis tout seul. Le lieutenant a perdu…

— Quoi ?

M. Rout, dans la chambre des machines, déplaça la tête pour crier dans le tuyau : « Par-dessus bord ? » puis plaqua son oreille à l’embouchure.

— Perdu la tête, continua la voix d’un ton positif. Bougrement embêtant.

Courbé sur le pavillon du porte-voix, M. Rout, en entendant ceci, ouvrit de grands yeux. Il perçut un bruit de lutte et des exclamations entrecoupées descendirent vers lui. Il tendit l’oreille.

Pendant ce temps, Beale, le troisième mécanicien, les bras levés, tenait entre les paumes de ses mains la jante d’une petite roue noire qui faisait saillie à côté d’un gros tube de cuivre ; il semblait la tenir en équilibre au-dessus de sa tête comme si c’eût été l’attitude correcte dans quelque sport nouveau.

Pour se maintenir en place, il appuyait son épaule contre la cloison blanche, un genou fléchi, un chiffon passé dans sa ceinture et pendant sur sa hanche. Ses joues imberbes étaient barbouillées et rougissantes et la poussière de charbon sur ses paupières, semblable aux coups de crayon d’un maquillage, rehaussait