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de ces plongeons désespérés, les coins de ses lèvres se pinçaient.

Le capitaine Mac Whirr leva les yeux sur la montre d’habitacle, vissée à la cloison ; les aiguilles noires, sur le cadran blanc, paraissaient immobiles. Elles marquaient une heure et demie du matin.

— Un nouveau jour, murmura-t-il pour lui-même.

Mais le lieutenant l’entendit, et, levant la tête comme quelqu’un qui pleure parmi des ruines :

— Vous ne le verrez pas se lever ! s’exclama-t-il.

On pouvait voir ses poignets et ses genoux s’entrechoquer avec violence.

— Non ! Bon Dieu ! vous ne le verrez pas !…

Puis il renfonça sa face entre ses poings.

Le corps de l’homme de barre avait légèrement bougé, mais sa tête était restée dressée sur son cou – fixe comme une tête de pierre sur une colonne. Durant un coup de roulis qui sembla lui faucher les jambes, et tandis qu’il trébuchait pour se remettre d’aplomb, le capitaine Mac Whirr déclara avec austérité :

— Ne faites pas attention à ce que dit cet homme.

Puis, avec un indéfinissable changement de ton très grave :

— Il n’est pas de quart.

Le marin ne répondit rien.

L’ouragan grondait, secouant la petite cabine qui semblait étanche à l’air, tandis que la lumière de l’habitacle vacillait sans arrêt.

— On ne vous a pas relevé, continua le capitaine Mac Whirr en baissant les yeux. Je voudrais pourtant que vous vous cramponniez à la barre aussi longtemps que vous pourrez tenir. Vous l’avez bien en main. Quelqu’un d’autre venant ici pourrait tout gâcher. Faudrait pas. Pas un jeu d’enfant. Et l’équipage est probablement occupé à quelque chose là en bas… Croyez-vous que vous pourrez ?

Le servo-moteur se mit soudain à donner de courtes saccades, puis stoppa et sembla se retirer en lui-même, concentrant son énergie comme une braise sous la cendre. L’homme, en arrêt, au regard figé, éclata, et toute la passion de son corps semblait s’être concentrée sur ses lèvres :