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qu’il ramassa ; il aurait craint, sinon, que la chose ne lui cassât les jambes ou tout au moins ne le fit reculbuter. Tout d’abord il resta tranquille ; il se sentait mal en sûreté dans ces ténèbres qui semblaient rendre les mouvements du navire anormaux, imprévus et difficiles à déjouer. Pendant un instant, il se sentit si fort secoué qu’il n’osa bouger de peur d’ « être descendu de nouveau ». Il n’avait aucune envie de se faire écharper dans cette soute.

Deux fois déjà il s’était cogné la tête et demeurait quelque peu étourdi. Il lui semblait entendre encore le bruit métallique et sourd que faisait la lance de fer en voltigeant autour de ses oreilles et cela si distinctement qu’il devait la serrer plus fort pour se prouver qu’il la tenait bien là, sous bonne garde, dans sa main.

Il s’étonna de la netteté avec laquelle on pouvait entendre, là en bas, les ululements de la rafale ; dans l’espace vide de la soute, les bruits du vent semblaient presque des cris humains, moins immenses, mais infiniment poignants, comme exprimant la rage et la douleur humaines. Et à chaque coup de roulis on entendait également des coups sourds profonds et pesants comme si une masse du poids de cinq tonnes eût eu du jeu dans la cale ; il n’y avait cependant dans la cargaison rien de semblable ; ou sur le pont alors ? Impossible. Ou bien le long du bord ? Cela ne se pouvait.

Il pensa tout ceci vivement, clairement, avec compétence, en marin, et resta perplexe. Ce bruit pourtant arrivait à lui assourdi, de l’extérieur, en même temps que celui des trombes d’eau s’abattant sur le pont au-dessus de sa tête. Était-ce le vent ? Probablement. Cela faisait là en bas un vacarme comparable aux clameurs d’une bande de forcenés. Alors, il découvrit, en lui-même aussi, le désir d’avoir une lumière – ne fût-ce que pour se voir sombrer – et un grand besoin nerveux de sortir de cette soute le plus vite possible.

Il tira le verrou : la pesante plaque de fer tourna sur ses gonds ; et ce fut comme s’il eût ouvert la porte à tous les bruits de la tempête. Une bouffée de hurlements rauques vint à lui : l’air était calme pourtant ; mais l’afflux précipité des eaux au-dessus de sa tête était couvert par un concert de cris étranglés et gutturaux qui produisait un effet de confusion désespérée.