— Raison de plus : elle a été très malheureuse.
— Malheureuse avec les Gormer ?
— Oh ! je ne défends pas son intimité avec les Gormer ; mais cela aussi touche à sa fin, je crois… Vous savez qu’on a été très mal pour elle depuis sa brouille avec Bertha Dorset.
— Ah ! — s’écria Selden.
Il se leva brusquement, gagna la fenêtre, et demeura les yeux fixés sur la rue assombrie, tandis que sa cousine continuait d’expliquer :
— Judy Trenor et sa propre famille l’ont abandonnée aussi… et tout cela, à cause des horribles choses que Bertha Dorset a racontées sur elle… Et puis elle est très pauvre… Vous savez que Mrs. Peniston l’a déshéritée, avec un tout petit legs, après lui avoir donné à entendre qu’elle lui laisserait tout.
— Oui… je sais, — fit Selden d’un ton bref, en se retournant, mais pour se promener d’un pas inquiet dans l’espace circonscrit entre la porte et la fenêtre. — Oui… elle a été abominablement traitée ; mais, par malheur, c’est justement ce qu’un homme qui voudrait lui témoigner de la sympathie ne peut pas lui dire.
Ces mots déterminèrent chez Gerty comme un frisson de désappointement.
— Il y aurait d’autres moyens de témoigner votre sympathie ! suggéra-t-elle.
Selden, avec un léger rire, s’assit à côté d’elle sur le petit sofa, près du foyer.
— À quoi pensez-vous encore, incorrigible missionnaire ? demanda-t-il.
Gerty rougit, et d’abord cette rougeur fut sa seule réponse. Puis elle s’expliqua plus clairement et dit :
— Je pensais à ceci, qu’elle et vous étiez autrefois grands amis… qu’elle se souciait énormément de l’opinion que vous aviez d’elle… et que, si elle considère votre éloignement comme un signe de votre opinion actuelle, j’imagine que cela doit ajouter beaucoup à son malheur.
— Ma chère enfant, n’y ajoutez pas davantage… au moins dans votre imagination… en lui attribuant toutes sortes de délicatesses qui vous sont propres.
Selden, malgré lui, avait parlé d’une voix sèche, mais il