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conclusions en conséquence ; et ces conclusions, à la fin d’une causerie confidentielle, elle les résuma pour son amie dans cette remarque succincte :

— Il faut vous marier le plus tôt possible.

Lily fit entendre un faible rire : pour une fois, Mrs. Fisher manquait d’originalité.

— Allez-vous, comme Gerty Farish, me recommander l’infaillible panacée de « l’amour d’un brave homme » ?

— Non… Je ne crois pas que ni l’un ni l’autre de mes candidats répondrait à cette définition, — dit Mrs. Fisher après avoir réfléchi un instant.

— « Ni l’un ni l’autre » !… Y en a-t-il vraiment deux ?

— Je devrais peut-être dire : « un et demi», pour le moment…

Miss Bart s’amusait de plus en plus.

— Toutes choses égales d’ailleurs, je crois que je préférerais un demi-mari… Qui est-ce ?

— Ne jetez pas les hauts cris avant d’avoir entendu mes raisons… George Dorset.

— Oh ! — murmura Lily, d’un ton de reproche.

Mais Mrs. Fisher continua, sans se laisser émouvoir :

— Eh bien, pourquoi pas ? ils ont eu quelques semaines de lune de miel, tout de suite après leur retour d’Europe, mais tout va mal de nouveau. La conduite de Bertha est plus que jamais celle d’une folle, et la crédulité de George est presque épuisée. Ils sont dans leur maison de campagne, près d’ici, vous savez, et j’ai passé la journée de dimanche dernier chez eux. C’était lugubre comme société : personne d’autre que le pauvre Neddy Silverton, qui a l’air d’un galérien… Dire qu’on prétendait que je rendais ce pauvre garçon malheureux !… Et, après déjeuner, George m’a emmenée faire une longue promenade, et m’a dit que cela ne pouvait pas durer…

Miss Bart eut un geste de dénégation :

— Allons donc ! cela durera toujours : Bertha saura toujours comment le faire revenir quand elle aura besoin de lui.

Mrs. Fisher continuait à l’observer d’un regard sondeur :

— Pas s’il a quelqu’un vers qui se tourner ! Oui… voilà la vérité ; le pauvre être ne peut vivre tout seul… Et je me rappelle quel bon garçon c’était, plein de vie et d’enthousiasme.