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même temps un des exécuteurs testamentaires, lui répondit que, certaines questions s’étant posées au sujet de l’interprétation du testament, lui et ses collègues ne seraient sans doute pas en mesure de payer les legs avant l’expiration des douze mois que la loi leur accordait pour le règlement. Effarée et indignée, Lily résolut de tenter une démarche personnelle ; mais elle revint de son expédition avec le sentiment de l’impuissance de la beauté et du charme contre les procédés insensibles de la loi. Il lui semblait intolérable de vivre une année encore sous le poids de sa dette ; et, dans cette extrémité, elle décida de s’adresser à miss Stepney, qui s’attardait en ville, plongée dans le délectable devoir de passer en revue la garde-robe et le linge de sa bienfaitrice. Lily sentait combien il était amer de demander une faveur à Grace Stepney, mais l’autre parti était plus amer encore ; et, un matin, elle se présenta chez Mrs. Peniston, où Grace, pour faciliter sa pieuse tâche, s’était installée provisoirement.

L’étrangeté d’entrer en suppliante dans une maison où elle avait si longtemps commandé augmenta chez Lily le désir d’abréger l’épreuve ; quand miss Stepney entra dans le salon obscurci, avec le bruissement d’un crêpe de première qualité, la visiteuse alla droit au but : consentirait-elle à avancer le montant du legs attendu ?

Grace, en réponse, se mit à gémir et s’étonna de cette requête ; elle déplora que la loi fût inexorable, et manifesta sa surprise que Lily n’eût pas compris l’exacte similitude de leurs positions. Se figurait-elle que seul le paiement des legs avait été différé ? Mais miss Stepney elle-même n’avait pas touché un sou de son héritage, et payait un loyer — oui, un loyer ! — pour le privilège d’habiter une maison qui lui appartenait. Elle était sûre que tout cela n’était pas conforme aux vœux de la pauvre cousine Julia : — elle l’avait dit aux exécuteurs testamentaires, bien en face, mais ils étaient inaccessibles à la raison, et il n’y avait rien à faire qu’à attendre. Que Lily fit comme elle et fût patiente : elles n’avaient qu’à se rappeler toutes deux l’admirable patience dont cousine Julia avait toujours fait preuve.

Lily fit un mouvement qui montrait qu’elle ne se réglait qu’imparfaitement sur cet exemple :