— Avez-vous remarqué les femmes ? Elles n’osaient pas me couper, tant qu’elles croyaient que j’aurais l’argent… Après, elles se sont sauvées comme si j’avais la peste.
Gerty garda le silence, et Lily continua :
— Je suis restée pour voir ce qui arriverait. Elles se sont réglées sur Gwen Stepney et Lulu Melson… Je les ai vues guetter ce que Gwen allait faire… Gerty, il faut que je sache exactement ce que l’on dit de moi.
— Je vous répète que je n’écoute pas…
— On entend ces choses-là sans écouter.
Elle se leva et posa ses mains résolues sur les épaules de miss Farish :
— Gerty, est-ce qu’on va me couper ?
— Vos amis, Lily !… comment pouvez-vous croire ?…
— Quels amis a-t-on dans des moments pareils ? Qui, sinon vous, pauvre chérie, si confiante !… Et Dieu sait de quoi vous me soupçonnez !
Elle embrassa Gerty et murmura d’un ton bizarre :
— Vous, vous serez toujours la même avec moi… mais voilà, vous aimez les criminels, Gerty !… Cependant, comment faire avec ceux qui sont incorrigibles ? Car je suis parfaitement impénitente, vous savez.
Elle se redressa dans toute la hauteur de sa svelte majesté, dominant comme quelque ange obscur de la défiance la pauvre Gerty toute troublée, qui ne put que balbutier :
— Lily, Lily… comment pouvez-vous rire de pareilles choses ?
— Pour ne pas en pleurer peut-être… Mais non, je ne suis pas de celles qui pleurent. J’ai découvert de bonne heure que pleurer me rendait le nez rouge, et cette notion m’a soutenue dans plusieurs épisodes pénibles.
Elle fit le tour de la chambre avec agitation, puis, se rasseyant, elle leva ses yeux brillants et moqueurs sur l’inquiète Gerty :
— Cela m’eût été bien égal, vous savez, si j’avais eu l’argent.
Miss Farish protestait :
— Oh !
Lily répéta paisiblement :
— Ça ne m’aurait pas fait ça, ma chère : car, d’abord, elles n’auraient pas oser m’ignorer complètement ; ensuite, si