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LA REVUE DE PARIS

leur dont tout émane, où revient tout être qui ne fausse pas, par Terreur, sa destinée : « Je suis Hier et Demain, je suis la somme des êtres et des choses. »

Telle était l’essence du divin ; telle la destinée des hommes divinisés. Si, plus près de nous, on cherchait l’expression des mômes idées, on la trouverait dans le résume que Virgile nous donne des traditions orphiques ou pythagoriciennes : ce Dieu circule par toutes les terres, dans la mer immense et le ciel profond. De lui, tirent leur vie fragile les troupeaux, les hommes et toute la race des bêtes fauves et tout ce qui naît ; a lui ils retournent tous et reviennent après dissolution, sans donner prise à la mort, volant vivants parmi les astres et s’abîmant au ciel sublime[1]. »

Il faut une forte culture intellectuelle pour accepter sans appréhension l’anéantissement divin, conclusion du panthéisme. Beaucoup d’Égyptiens éprouvaient quelque terreur à la pensée de se fondre dans l’infini ; c’est une résignation mélancolique que nous font connaître les chants officiels, psalmodiés avec accompagnement de harpe, aux funérailles des rois, ce La grandeur de dessus terre, qu’est-ce ? L’anéantissement du. tombeau, pourquoi ? (mourir) c’est se former à l’image de l’Éternité, le pays juste, sans querelles et qui a horreur des violences, celui où nul n’attaque son prochain, où personne ne se révolte des générations qui reposent en lui. Tous, quand ils sont ici-bas, du moment qu’ils s’éveillent à la vie, on leur dit : « Va, prospère sain et sauf, afin d’arriver à la tombe, songeant toujours en ton cœur au jour où il faut se coucher sur le lit funéraire… Tel est ton destin : l’unir aux maîtres de l’éternité. Tu ne saurais passer jamais ; tu es accompli et parfait en les grandes formes divines ; tu parcours les périodes de l’éternité et les annales se renouvellent sans cesse, parce que tu as été élevé et rendu parfait jusqu’à ta nature véritable[2]. »

Une des conséquences de cette mélancolie, c’est le sentiment très vif que les joies de notre existence périssable ne se renouvelleront pas ailleurs ; il faut jouir de la vie humaine, prendre tout ce qu’elle peut donner de bon avant la mort :

« Fais un jour heureux ! qu’il y ait toujours des parfums et

  1. Géorgiques, IV, 221-27. Cf. Ph. Virey, l’Épisode d’Aristée, 1889.
  2. Traduit par G. Maspero, Histoire, II, p. 523.