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LE LIVRE DES MORTS

ne restera impuni. » Les coupables seront livrés au billot des sacrificateurs, à la gueule des monstres dévorants, aux flammes éternelles. Chabas a signalé depuis longtemps l’analogie frappante de la conception égyptienne de l’enfer avec la tradition évangélique : « L’enfer égyptien avait des zones brûlantes, des abîmes de feu, des eaux de flamme, seul breuvage offert à la soif des pervers. Les démons, bourreaux des damnés, habitaient des salles dont le plancher était d’eau, le plafond de feu et les parois d’aspics vivants ; il y avait là des grils et des chaudières pour le supplice des pécheurs ». Et pour ce qu’on exige des justes, Chabas rapproche aussi, de telles formules, déjà en usage au temps des Pyramides, ce passage de l’évangile de Saint-Matthieu : « Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, il séparera les uns d’avec les autres comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs et il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, vous qui êtes béni de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; j’étais nu et vous m’avez vêtu… Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel… » Comparez ces mots d’un papyrus : « Amon-Râ, le justicier, ne reçoit pas les cadeaux des violents. Il juge le coupable ; celui-ci est pour la chaudière ; le juste pour sa droite » ; ou ce passage du chapitre cxxv : « Le juste vit de vérité, se nourrit de vérité. Il a répandu partout la joie ; ce qu’il a fait, les hommes en parlent et les dieux s’en réjouissent. Il s’est concilié le dieu par son amour : il a donné du pain à l’affamé, de l’eau à l’altéré, des vêtements à qui était nu… »[1][2].

Malgré cet idéal moral, nous savons qu’au temps des Pyramides la magie battait en brèche la religion et que le juste ne prévalait pas contre le méchant armé de formules ; le Livre des Morts lui-même, jusqu’en ses plus récents exemplaires, signale dans chaque chapitre la force souveraine des rites et des paroles. Alors qu’importe la morale du chapitre cxxv si son contenu

  1. Chabas, l’Enfer égyptien, dans les Mélanges égyptologiques, III, a, p. 168.
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