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LA REVUE DE PARIS

des victimes animales, éloigne le châtiment du reste des hommes : un sacrifice peut racheter l’humanité.

Le Livre des Morts nous a aussi gardé un récit de châtiment des hommes par l’eau. C’est un dialogue entre le défunt et diverses divinités, en particulier Toum. À l’une des questions du défunt, Toum répond par ces mots : « Je m’en vais défigurer ce que j’ai fait. Cette terre deviendra de l’eau par une inondation, comme elle était au commencement. Je resterai seul avec Osiris[1] ».

Ces textes trop rares sont encore bien obscurs ; toutefois, il en résulte qu’en Égypte aussi « l’Éternel se repentit d’avoir fait l’homme sur terre, fut affligé en son cœur et résolut de l’exterminer ». Quelle part la séduction ou la ruse de la femme a-t-elle eu dans la révolte initiale de l’homme ? Un papyrus, commenté par M. Lefébure, met en scène un curieux épisode d’une lutte entre le Créateur d’une part, la femme et le serpent d’autre part : « Isis était une femme habile en paroles ; son cœur était dégoûté de la multitude des hommes ; elle préférait la société des dieux ; elle estimait fort le monde des esprits. Ne pourrait-elle pas dans le ciel et sur la terre être pareille à Rà, posséder la terre et être déesse, par le moyen du Nom du dieu auguste ? » Or Râ avait vieilli ; la bouche lui gouttait ; la salive lui coulait vers la terre. Isis pétrit cela dans sa main : avec de la terre et ce qui était dessus, elle composa un serpent sacré. Et le serpent sacré mordit Iï. Le dieu ouvrit la bouche et son cri monta jusqu’au ciel : ses mâchoires claquaient, tous ses membres frissonnaient, le venin s’emparait de sa chair. » On appelle en hâte les magiciens ; « Isis vint avec ses charmes ; elle dit : « Quoi donc, père divin ? un serpent a répandu les maux en toi ? une de tes créatures a dressé la tête contre toi ? » Pour le guérir, elle exige qu’il lui révèle son Nom, autant dire le secret de sa toute-puissance. Le dieu, vaincu par la ruse féminine, se laisse enlever son Nom. Isis, dit M. Lefébure, est une sorte d’Ève qui cherche avec Laide du serpent à obtenir la divinisation en s’emparant de la science suprême[2]. Cette révolte est une des causes du châtiment des hommes.

Telle est, semble-t-il, l’explication donnée par les Égyp-

  1. Ed. Naville, p. 190.
  2. Lefébure, Un Chapitre de la Chronique solaire, 1883.