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LA REVUE DE PARIS

laisse voir à aucun homme. C’est une abomination de le faire connaître… ; qu’il ne soit vu que par toi et celui qui te l’a enseigné. »

Comment l’univers a-t-il été créé ? C’est une question qui vient tôt aux lèvres des enfants et des peuples enfants.

Au commencement du monde, rien n’existait que l’anime de l’eau primordiale, le Noun. En ce temps-là, « il n’y avait pas encore de ciel, ni de terre, ni d’hommes ; les dieux n’étaient pas encore nés ; il n’y avait pas encore de mort[1] ». Dans l’eau, flottait l’Esprit du dieu primitif, Toum qui portait en lui la force génératrice des êtres et des choses, et qui passa de l’inertie à l’action en émettant une parole : « Viens à moi[2] », cria-t-il ; et Toum, se dédoublant, devint le soleil Râ. Toum et Râ sont-ils donc père et Fils ? Non point ; à eux deux, ils forment une seule personne, car le dieu est une monade indivisible qui porte en soi la force créatrice de sa propre existence[3]. Somme toute, au début des temps, résonna le Verbe créateur, et la Lumière fut. On était d’accord, entre théologiens, sur le fond de la doctrine ; mais, selon les villes, le nom du Créateur changeait. Pour le peuple, le difficile fut de comprendre comment la Lumière pouvait exister, à l’état inerte, dans l’eau du Noun, sans que cette eau éteignit le feu. On s’expliqua par des allégories : Râ dans le Noun était un faucon qui ferme les deux veux ; s’il les ouvre, le soleil brille ; ou bien c’est un enfant caché dans un lotus ; quand le lotus émerge, le soleil en sort.

Toum-Râ organisa dès lors le Chaos ; il tira de lui-même, ce sans coopération féminine », deux éléments, l’air et le feu, sous la forme d’un couple de sexe différent, Shou et Tafnouit, Un autre couple, Seb et Nouit, personnifia la terre et le ciel étendus l’un sur l’autre ; l’air (Shou) se glissant entre eux sépara la déesse Ciel de son époux la Terre. Séparation cruelle : si le Ciel entoure encore la terre de toutes parts, c’est que les bras et les jambes de la déesse touchent toujours au sol ; Shou persiste à soutenir le corps étoile dans la position qui sera celle d’Atlas portant le ciel. Si la terre a des ondulations tourmentées, c’est

  1. Pyramide de Pépi I, l. 663.
  2. Au Livre des Morts, le jour de la création est appelé « Jour du viens à moi ». (G. Maspero, études de Mythologie, I.)
  3. Brugsch, Religion und Mythologie.