Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/562

Cette page n’a pas encore été corrigée
561
LE LIVRE DES MORTS

elle profère le Vrai ; « ordre est donné qu’il fasse ses transformations à son gré » (chap. cxxviii) ; aussi « traverse-t-il les portes du ciel, de la terre, de l’enfer, comme lame de Râ ». Choisissant à son désir son destin, tantôt il monte dans la barque solaire où il devient Râ incarné, tantôt il s’installe au paradis osirien. Il lui faut apprendre les noms de tous les dieux ses frères (Osiris, à lui seul, en possède une centaine qu’on récite en litanies), et les noms des sept salles du paradis, des quatorze portes, des quatorze demeures, et ceux de leurs gardiens. Qui sait le nom des choses et des êtres possède leur secret et les maîtrise. Mis au courant de ces suprêmes mystères, le défunt n’ignore plus rien de ce que doit connaître un dieu ; il se sent de la famille divine : « les dieux l’entourent et le goûtent, car il est comme l’un d’entre eux » (chap. cxlviii).

Essayons, après cette analyse, d’entrer dans la communion des mystères que les prêtres égyptiens se vantaient d’enseigner et dont la connaissance faisait l’homme semblable aux dieux, « Vos yeux s’ouvriront, dit le Serpent de la Genèse, vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »

Le Livre des Morts n’est pas seulement le guide du parfait voyageur aux pays d’outre-tombe : il prétend assurer la toute-puissance du défunt en lui donnant la clef des problèmes essentiels qui sont relatifs au monde des dieux et des hommes ; il veut satisfaire le dévot avide de croyances religieuses, curieux de son origine et inquiet de sa destinée[1]. D’où vient l’homme, où va-t-il ? les deux pôles du recueil sont les chapitres xvii et cxxv ; l’un est la Genèse, l’autre l’Évangile du Livre sacré des Égyptiens. Ces secrets étaient terribles à révéler : on se les transmettait de père en fils comme les rites du culte familial, mais avec quelles précautions ! « Ne fais voir ce chapitre à aucun homme, excepté toi-même, ton père ou ton fils »… « Que ceci ne soit vu par aucun autre homme que toi »… « C’est un véritable mystère que ne connaît aucun homme, en aucun lieu »… « Ce livre est le plus grand des mystères. Ne le

  1. De Rougé, Études sur le Rituel funéraire (1860).