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LE LIVRE DES MORTS

sanctuaire, j’en sors Lumineux, je vois les formes des hommes à jamais. — Celui qui connaît ce chapitre, il possède la voix créatrice sur terre et dans l’autre monde ; il prend toutes les formes des vivants… Ce chapitre fut trouvé à Hermopolis sur une brique de fer et d’albâtre, écrit en lapis, sous les pieds du dieu Thot, à l’époque du roi Mycérinus, par le prince royal Hordidif qui voyageait pour faire un recensement dans les temples et qui l’apporta au roi avec émerveillement : dès qu’il eut connaissance de ce grand mystère, il ne voyait plus, n’entendait plus, récitant ce chapitre pur et saint ; il ne s’approchait plus des femmes, ne mangeait plus ni chair ni poisson… »

Ce que Thot avait révélé aux hommes par l’intermédiaire d’un saint plongé dans l’extase, c’était la possibilité de « sortir au jour », c’est-à-dire de revivre, après la mort, toutes les formes de la vie. Les portes du ciel et de la terre sont ouvertes au défunt : le voici en marche, une canne d’or à la main, circulant parmi les dieux et les hommes. Une série de chapitres fort anciens (chap. lxxvi-lxxxviii) nous a conservé les noms d’un cycle de divinités populaires dont le défunt recherchait la forme ; ce sont des animaux, le faucon, le phénix, le héron, l’hirondelle, l’oie, le serpent, le crocodile ; c’est aussi le lotus. Revivre sous cet aspect, permettait de s’identifier à des dieux locaux, héritiers des animaux totémiques de l’Égypte primitive[1] ; la vie future n’est encore qu’une métempsycose, une migration de l’âme dans les êtres et les choses. Mais le Livre nous ramène bientôt à des dieux plus modernes.

En s’adressant aux dieux d’Héliopolis et d’Abydos, le défunt revient à l’idéal humain d’un paradis vécu dans les grasses prairies des Champs Élysées. Avec l’aide de Thot et d’Anubis, il trouve le bon chemin ; le voici sur la rive du fleuve infernal ; il y voit une barque prête à le transborder ; mais le Charon qui tient le gouvernail et la barque elle-même font subir un interrogatoire au voyageur : si celui-ci peut dire les noms du dieu et de chacune des parties de l’esquif, il prouve par ses réponses qu’il sait les formules nécessaires à son salut. « Ô gardien de la barque mystérieuse, je me hâte, j’arrive pour voir mon père Osiris. — Dis-moi mon nom ? dit la coque. — Ténèbres est

  1. Cf. Wiedermann, Quelques Remarques sur le Culte des Animaux en Égypte, Museon, 1905, p. 123.