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LA REVUE DE PARIS

funéraire, on pouvait le croire en sécurité : il était défendu par les portes murées, les puits d’accès remplis, les herses baissées. Cependant, au fond de son « château du double », l’âme veillait inquiète. Préserver le corps de la décomposition était une tâche relativement aisée, dont s’acquittaient au mieux les embaumeurs qu’Hérodote nous montre au travail :

D’abord ils tirent la cervelle par les narines en partie avec un fer recourbé, en partie au moyen de drogues qu’ils introduisent dans la tête. Ils font ensuite une incision dans le ventre avec une pierre d’Éthiopie tranchante ; ils tirent par cette ouverture les intestins, les nettoient et les passent au vin de palmier ; ils les passent encore dans des aromates ; ensuite ils emplissent le ventre de myrrhe, de cannelle et d’autres parfums, puis ils le recousent. Cela fini, ils salent le corps en le couvrent de natron pendant soixante-dix jours. Le délai écoulé, ils lavent le corps et l’enveloppent entièrement de bandes de toile.

L’examen des momies prouve que l’appareil des bandelettes constituait une véritable armure protectrice. Le corps une fois enduit d’huile sainte, on remplissait les cavités du thorax et de l’abdomen, non seulement d’aromates, mais de statuettes et d’amulettes. Une plaque de cire, estampée d’un Œil symbolique, gardait la plaie du flanc. On dorait la face et les doigts pour faire entrer dans le corps les vertus des métaux indestructibles. Sur la poitrine, un cœur fixait la place de l’âme ; le scarabée, l’épervier, l’urœus protégeaient le torse et le front, et partout s’échelonnaient des figurines, sentinelles vigilantes. Par-dessus de gros tampons de toile, qui égalisaient les contours, un réseau serré ou lâche de bandelettes modelait la tête, le torse et les jambes. Un grand linceul, maintenu par une bande de toile, ceignait le front et, croisé sur la poitrine, s’ornait d’une figure d’Osiris adoré par le défunt. Cet équipement ne pouvait avoir toute sa vertu défensive sans le concours des prêtres et sans la récitation de formules. Le « rituel de l’embaumement » nous apprend le nom, l’usage, les propriétés prophylactiques de chacune des bandelettes et des figurines. À vrai dire, il n’y a ici ni toile, ni statuette, ni aromates : ce sont des dieux vivants, Isis, Nephthys, Horus, Thot, qui, sous la forme d’huiles, de bandelettes ou d’amulettes, entourent de leurs brus la momie et la défendent de leurs corps et de toute leur force surnaturelle.