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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

L’histoire de cette époque n’est pas encore faite ; ce serait pourtant une noble tâche que d’en faire ressortir les nombreuses leçons : le peuple y apprendrait à se défier de ceux qui exploitent ses passions ; il y apprendrait la haine de tout ce qui est parti ou faction, le culte de tout ce qui est désintéressement et fraternelle entente. Quelques hommes ont, avec leurs souvenirs et avec leur conscience, écrit sur cette phase décisive de la République des pages qui sont une déposition éloquente confiée à l’avenir : le temps, ce grand juge, prononcera !

Mais quand on jette un coup d’œil sur l’ensemble des événements qui se passèrent dans les premiers mois de cette année, il est impossible de se défendre d’un sentiment d’admiration et de respect. Ce fut moins une révolution qu’une épopée : vices, vertus, abnégation, dévouement, tout y est à la taille d’un monde de géants ; un abîme sépare cette époque de toutes les autres, et cette révolution, de toutes les révolutions.

Oui, il y eut véritablement des hommes de 48 ! et la grandeur de leur rôle fut dans un respect inébranlable du droit, dans le dévouement sans bornes à une idée, dans l’honnêteté d’une politique qui n’hésita jamais en présence de la justice ou de l’iniquité des moyens.

Oui, il y eut un peuple de 48 ! et la grandeur de son caractère est dans cette abnégation qui ne se démentit que lorsqu’il fut épuisé et sans forces pour la résistance.

Quant à ceux qui méditèrent la ruine des uns par le malheur des autres et, par de funestes calculs, amenèrent ce conflit qui devait être la mort de la République, ce sont les conspirateurs de tous les temps.


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