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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

en résultait un trouble indicible, une gêne qui survivait à toutes les mesures et continuait d’empêcher que le crédit ne se relevât et que les ateliers ne se rouvrissent.

C’était le but direct des efforts de ces ambitieux qui avaient brûlé leurs vaisseaux et juré de s’élever sur les ruines de la société moderne ou de s’ensevelir sous elles. L’enquête sur les journées de Juin révéla que, tandis que le gouvernement, tandis que tous les gens honnêtes et véritablement émus des souffrances du peuple s’efforçaient de rouvrir des débouchés au travail, ces hommes organisaient la grève des ouvriers, l’abandon des ateliers privés, et aggravaient tous les jours le mal.

Pourtant l’œuvre de corruption fut lente à s’accomplir. Ce qu’elle gagnait un jour, elle le perdait le lendemain. Aussi est-il curieux et instructif de suivre ses progrès dans les événements qui précédèrent les journées de Juin.

Le 16 mars fut signalé par une démarche insignifiante de la Garde nationale, et bientôt dispersée et apaisée d’elle-même. Aussitôt les agitateurs se mettent en campagne, répandent le bruit que la Garde nationale a voulu violenter le gouvernement et lui enlever son indépendance avec sa dignité. Le peuple s’émeut ; il s’indigne. On arrête qu’une députation imposante ira porter à l’Hôtel de Ville l’assurance du dévouement du peuple aux nouvelles institutions. Une députation noble, digne, descend des Champs-Élysées ; c’est une sédition armée, recrutée dans les clubs les plus violents, qui arrive sur la place de l’Hôtel de Ville. Quelques rares bonnets rouges, que le peuple voit avec dégoût, indiquent ce qu’est cette avant-garde. C’est elle qui envoie ses délégués au gouvernement. Le peuple est venu là pour consacrer la liberté d’action du gouvernement : ils le somment de délibérer sous leur pression ; le peuple est venu pour lui apporter l’expression de sa confiance : ils le mettent en suspicion et veulent qu’il signe sa déchéance ! Ils mentent à la manifestation comme ils mentaient à la liberté. Revendiquent-ils les droits du peuple et de la souveraineté nationale ? Mais non : ce qu’ils veulent, c’est l’ajournement des élections qui vont donner au pays un gouvernement de son choix.

Au 16 avril, c’est encore la même tactique. Sous prétexte