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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

III

Dès les premiers jours, le gouvernement rencontra une opposition plus ardente, plus implacable qu’aucun autre pouvoir n’en avait trouvé sur sa route.

On se fait d’une République cette idée fausse qu’elle est le remède à tout qui guérit subitement toutes les souffrances et donne satisfaction à toutes les ambitions. Il n’est pas au contraire de gouvernement auquel les ambitions personnelles soient plus funestes. Du haut en bas de l’échelle sociale, la loi de salut public est alors le désintéressement. Ce désintéressement, la République le trouva chez un grand nombre, chez le peuple surtout. Sa première proclamation fut le fiat lux créateur qui fit surgir du sol un parti immense qui vécut, combattit et tomba aux cris de : « Vive la République ! » Il s’était recruté dans toutes les opinions. Seule une fraction se retira d’elle et rentra comme Achille dans sa tente pour préparer ses armes et organiser le combat.

Le gouvernement lui avait donné cette légitime satisfaction d’appeler dans son sein les hommes qu’elle désignait alors comme ses mandataires : Louis Blanc et Albert étaient le signe de cette représentation complète des opinions et le gage du dévouement du régime nouveau à la satisfaction de tous les intérêts. Mais ces quelques hommes qu’elle montrait alors au peuple comme ses élus, parce que l’éclat de leur nom ou la pureté de leur vie lui étaient un manteau glorieux dont elle couvrait ses ambitions, elle les avait condamnés d’avance. Elle les rencontra sur sa route, comme tous ceux qui étaient la personnification honnête du socialisme, toutes les fois qu’elle fut sur le point de porter une main violente sur le pays. C’est Cabet qui harangue l’émeute des clubs au 17 mars ; c’est Louis Blanc qui les arrête au 16 avril. Ceux qui se mettaient hardiment entre elle et la dictature n’étaient pas ses hommes : elle les renverserait sur les marches du gouvernement pour escalader le pouvoir.

Elle répudia bientôt ces noms trop glorieux ou trop honnêtes ; aujourd’hui elle les accuse.

Son but ne varia jamais ; ce fut toujours de substituer à la