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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

la liberté du peuple. Si quelques récriminations furent élevées, l’Empire devait bien venger M. Garnier-Pagès !

Un impôt d’un centime sur les créances hypothécaires, dont le produit atteignit le chiffre de 45 millions, une retenue minime sur les traitements des fonctionnaires qui fournit une économie de 10 millions, telles furent les charges nouvelles qu’imposa la République[1]. Par une répartition aussi juste que respectueuse de la dignité humaine, cet appel au pays consacrait la généreuse égalité de tous devant le sacrifice, il ne faisait point de la République la débitrice d’une seule classe, mais la cliente de la France toute entière.

Le Gouvernement provisoire coûta 224 millions au pays ; les guerres plus ou moins heureuses, le luxe du second Empire lui ont coûté 14 milliards.

L’émission, sous le titre d’emprunt national des 100 millions qui restaient à souscrire de l’emprunt de 1847, ne fut point une spéculation. Le gouvernement répondait noblement aux offres d’une multitude de citoyens, qui, spontanément, étaient venus offrir à la République : les riches, une partie de leurs capitaux, les pauvres, une part de leur salaire, spectacle sans précédent qui ajoutait à toutes les gloires du peuple de 48 la gloire d’une patriotique générosité. Commandité en quelque sorte par les citoyens, cet emprunt en faisait les actionnaires de la France. Cette souscription nationale produisit 20 millions. Ce chiffre n’est pas seulement éloquent en faveur de ceux qui le grossirent les uns de leur or, les autres de leur obole : il témoigne que les premiers actes du gouvernement qu’on attaque si impitoyablement aujourd’hui avaient réagi contre les funestes tendances de l’esprit public au découragement et à la peur. Un retour à la confiance s’opérait dans l’opinion.

En même temps la Banque de France était sauvée par une

  1. Sur le manuscrit, le mot charges est souligné au crayon rouge, de même que, dans la phrase suivante, le mot sacrifice. Waldeck-Rousseau, à l’impression, les eût sans doute supprimés. On a, en effet, le droit de supposer que ni l’un ni l’autre ne lui convenait, non pas au point de vue style, mais comme appropriation de termes quant à la véritable qualification des choses, et à son appréciation personnelle des événements. Pour lui, sans aucun doute, le fait de contribuer financièrement à la consolidation du nouveau gouvernement populaire n’était ni un sacrifice, ni une charge : c’était le devoir du citoyen.