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LA REVUE DE PARIS

la situation et le signe du salut. Il consacrait le règne du peuple qui venait de s’ouvrir, il mettait fin à l’interrègne de tous les pouvoirs. Il était en même temps un frein puissant et une garantie, parce qu’il décrétait la responsabilité du peuple. À dater de ce moment, il ne combattait plus, il régnait. Les hommes sur lesquels il s’était déchargé de tout fardeau lui imposaient des devoirs, en même temps qu’ils lui restituaient des droits ; ils prenaient le berceau de la République naissante et le remettaient entre ses mains : il en répondait devant l’avenir.

Cette mesure était d’une immense portée. Ce nom, les souvenirs qu’il réveillait, les horizons qu’il découvrait, changèrent subitement l’irritation et la colère en une patriotique émotion : attendrissement dont les larmes sont fécondes et font germer dans les cœurs le courage des grands sacrifices.

L’abolition de la peine de mort vint achever cette œuvre d’apaisement et de fraternelle réconciliation. Elle mettait un abîme infranchissable entre le régime nouveau et les souvenirs sanglants de 93. On se demande quel était ce peuple qui, au lendemain d’une complète victoire, proclamait la loi sainte du pardon. Ceux qui doutaient se sentirent pleins de foi ; ceux qui craignaient commencèrent à espérer, et plus d’un qui avait détourné la tête mêla ses acclamations aux cris du peuple victorieux. Le gouvernement venait de créer ce parti nombreux qui enrôla dans le peuple, dans les classes élevées, et jusque dans les partis hostiles tout ce qu’il y avait de citoyens plus attachés au salut de tous qu’au triomphe de leurs ambitions personnelles.

En trois jours ce gouvernement avait fait une révolution politique et une révolution morale. Il restait encore beaucoup à faire. La tâche était lourde, comme on a pu le voir par le tableau imparfait des misères avec lesquelles on était en présence. Le remède à cette détresse était dans la reprise de tous les travaux et dans le retour de l’activité. Là seulement était la solution de la crise sociale.

Mais il y a des circonstances où l’on peut dire qu’en attendant les effets de l’initiative privée, le devoir d’un gouvernement est d’aller au-devant des besoins les plus pressants. Ce n’est point la charité publique, comme on l’a dit, mais l’exercice du devoir de tous, délégué d’urgence à quelques-uns.