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LA REVUE DE PARIS

Il y avait enfin le parti conservateur composé des capitalistes et des propriétaires, portion du pays qui fait vivre l’autre par la consommation, comme le débouché fait vivre le commerce. Plus intéressé à l’ordre qu’aux changements, il voulait être rassuré : son action n’était pas à craindre, mais son immobilité était la ruine. Ainsi un peuple qu’il fallait prémunir contre ses propres égarements ; une faction ambitieuse et violente ; un parti vivant d’illusions ; une masse timide et farouche prompte à se retirer et à se soustraire au mouvement, tel était l’état des esprits à la chute du gouvernement de Juillet.

Défendre les uns, contenir les autres, rassurer et satisfaire tout le monde, voilà quelle était l’œuvre léguée au Gouvernement provisoire par ces dix-huit années de règne.


L’état des choses n’était pas moins effrayant. Ces dix-huit années d’un gouvernement, qui avait tourné toutes les difficultés sans les vaincre et apaisé les murmures sans faire disparaître les griefs, a aient porté le désordre dans les finances : on avait masqué le gouffre que chaque jour creusait davantage, sans chercher à le combler.

Ce que Victor Hugo exprimait éloquemment, trois mois plus tard, était vrai déjà : « Les familles riches étaient gênées ; les familles aisées étaient pauvres ; les familles pauvres étaient affamées. » Alors surtout on pouvait accuser les « fausses mesures » ; plus tard il faudrait gémir sur « la fatalité des circonstances ». Au moment où l’année 1847 s’ouvrait, l’hectolitre de blé avait atteint le chiffre de vingt-neuf francs ; au commencement de l’année 1848, ce n’était plus vingt-neuf, mais trente-deux francs qu’il coûtait. Pour tous, c’était la gêne ; pour beaucoup c’était la famine.

En même temps, et par une conséquence naturelle, l’agriculture était ruinée par l’usure.

Pour fournir à la France la quantité de froment nécessaire à sa consommation, il avait fallu une importation de 160 millions, chiffre énorme à cette époque. La détresse des citoyens réfléchissait sur le gouvernement. L’état des finances, ce thermomètre de la prospérité du pays, était plus déplorable encore.

Le budget de 1847 avait révélé un déficit certain de 243 millions. C’était un symptôme effrayant de la crise financière avec