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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

trouvé deux hommes d’accord sur les moyens : les mille théories dont il se composait n’avaient qu’un point de contact — le même but, qu’une seule ressemblance — l’incohérence de leurs principes, qu’un seul résultat — la même impossibilité.

Il avait autant de programmes que de sectes, autant de sectes que d’hommes. Pour l’un, l’amélioration était dans le nivellement des fortunes, pour l’autre dans une dictature du travail confiée au gouvernement ; Fourrier aboutissait au phalanstère, Louis Blanc à la suppression de la concurrence, Gabet à la communauté et aux lois agraires, Proudhon à la Banque sociale. C’était le renversement de tout et l’édification de rien.

On se demandait quelles garanties, quels gages donnerait cette oligarchie d’hommes auxquels le pouvoir social et la disposition des fortunes allaient être délégués. On découvrait alors que c’était un retour au despotisme le plus absolu, non pas seulement en politique, mais en économie privée : on se demandait pourquoi les efforts du siècle dernier, pourquoi tant de combats livrés au despotisme personnel ?

Les gens courageux, intelligents, actifs, ne pouvaient se résigner à ce niveau désespérant promené sur toutes les capacités pour ne laisser que l’inaction découragée dans une égalité honteuse.

Le socialisme partait de l’invraisemblable et aboutissait à une absurdité, l’identité des conditions : il supprimait la responsabilité et l’émulation avec la concurrence ; il arrivait à faire d’un peuple de citoyens une agrégation d’ilotes, où la moitié de la nation vivrait des aumônes forcées de l’autre, jusqu’au jour où, ne produisant plus rien et ayant épuisé toutes les ressources du passé, le pays se trouverait face à face avec la détresse et la faim. Il renouvelait la lutte des géants et des dieux, et déclarait à la souffrance la guerre de l’humanité : entassant les sophismes sur les utopies, il montait à l’assaut d’un monde imaginaire.

Là n’était donc pas le salut. En admettant qu’il fût investi du pouvoir suprême, qu’arrivait-il ? Une lutte sans merci d’une faction contre la nation entière, la panique centuplée, et le sol ébranlé sans que rien fût édifié. Rêve insensé, qui procédait à l’organisation du travail, dont le crédit est l’âme, en bannissant la confiance.