Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/458

Cette page a été validée par deux contributeurs.
457
CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

souffre comme dans un rêve à la lecture de ce drame qui dévore le temps et entasse dans quelques heures l’activité et le mouvement de plus d’un siècle. Durant ces trois jours, les membres du Gouvernement provisoire purent mesurer de l’œil la profondeur de l’abîme creusé par la royauté. La situation se résumait à chaque minute par le cri du peuple : donnez-nous du pain ; par le cri des ambitieux : laissez-nous le pouvoir ; par le cri du droit, qui fut plus fort que toutes les ambitions et que toutes les misères : justice à tous !

L’inventaire de la succession de la monarchie révéla au Gouvernement provisoire toutes les difficultés, sinon les impossibilités qu’il avait à résoudre. L’état des esprits était alarmant, l’état des choses était désastreux.

Où le Gouvernement trouverait-il un appui ? sur quelle portion de la nation pourrait-il s’appuyer ?

Dans cet examen, se présentait au premier rang un parti qui s’appelait plus particulièrement le peuple. C’était lui qui avait fait la révolution ; il devait en recueillir les fruits. Juste, fort et généreux de nature, il était inconstant comme l’enthousiasme et versatile comme la passion. Un soupçon, un mot soufflé à l’oreille le soulevaient à chaque minute comme une mer furieuse qui se ruait sur l’Hôtel de Ville : un discours de Lamartine ou de quelque autre, prenant en lui ce qu’il y avait de magnanime pour le traduire dans une langue éloquente et imagée, apaisait ses clameurs et transformait sa colère en acclamations. Il était bon, mais faible, parce qu’il était ignorant. Il résumait et représentait pourtant la France, il en avait tous les sentiments, tous les besoins, toutes les forces, toutes les passions. Mais il avait cette inconscience des peuples longtemps asservis, péché originel qui les courbe dans une fatale impuissance, jusqu’au baptême rédempteur d’une longue pratique de la liberté.

C’était une arme plutôt qu’une volonté : à qui appartiendrait-elle ? l’avenir jugerait. C’était la seule force sur laquelle le gouvernement pût s’appuyer, de sorte que ce parti qui allait le soutenir avait lui-même besoin d’être protégé et défendu.

Derrière cette puissance il y avait un autre parti, dont le nom varie selon les époques, mais dont la doctrine est l’absolu ; qui ne veut rien du temps et tout de la force. Il a désespéré