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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

ponsabilité du funeste dénouement de ce drame y est attribuée tout entière au gouvernement. Ici il ne s’agit plus de défendre des hommes, il s’agit de restituer à cette époque de réforme et de lutte son caractère et son enseignement. Son caractère, car une telle imputation est directement contraire à la vérité ; son enseignement, car elle arrive à faire de la nation un être irresponsable, du citoyen un être sans volonté, d’une république un gouvernement personnel.

I

Après une année d’agitations, de discussions animées et d’espérances confuses, la seconde République sortit tout armée d’un éclat de tonnerre.

Un coup de fusil tiré par mégarde, ou parti par l’imprudence d’un soldat, fut le signal de la lutte. Vingt-quatre heures après, il n’y avait plus ni royauté, ni assemblée : dans la salle des députés de la nation, il y avait une foule noire encore de la poudre et ivre de l’ardeur du combat ; dehors, tout un peuple en armes, exaspéré de son sang versé, rendu audacieux par sa subite victoire. Il n’y avait plus de gouvernement, il y avait un peuple. C’était un interrègne, un de ces moments dans le siècle où tout ce qui semblait affermi est ébranlé, tout ce qui était établi, renversé, où il n’y a plus de loi que la conscience universelle : détour sombre de leur destinée où le temps semble attendre les peuples pour les juger d’après leurs actes, les mettre face à face avec leurs vertus et leurs faiblesses, et les instruire à l’avenir.

Ce jour-là, le peuple et ses mandataires furent à la hauteur de la situation. La conscience de celui-là lui fut un frein plus puissant que les lois appuyées sur la force. Il n’y eut pas un crime commis par lui. Quelques hommes se mêlèrent à l’émeute pour verser le sang, comme la veille ils s’élançaient à l’incendie pour piller : hommes de proie qui surgissent de l’ombre dans les sinistres publics, mais non pas hommes du peuple. L’énergie, l’inspiration héroïque et toujours juste de ceux-ci en fit les chefs populaires de cette irrésistible manifestation qui, après une lutte victorieuse contre la monarchie, allait proclamer la République.