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LA REVUE DE PARIS

qu’il sera éternellement le parti de l’avenir ; ce qu’on peut dire de sa nature, c’est que, semblable au Sénat carthaginois, il ne juge jamais au fond : l’accusé a-t-il réussi, oui ou non ? tel est le Code de sa procédure formulaire. Et comme il ne sera jamais au pouvoir d’un homme de faire l’âge d’or dans un siècle de fer, ses condamnations sont aussi nombreuses que l’humanité compte de tentatives pour rompre un des anneaux de la chaîne qui la rive au malheur.

C’est le chœur antique, qui, pas à pas, suit l’action de ces grands drames ; mais il n’a pour les acteurs que d’amères paroles. Il ne reconnaît pas de bien relatif.

Du reste l’esprit de secte ne va pas chez lui jusqu’à amnistier ceux qui, sortis de ses rangs, s’emploient à la manœuvre ou se jettent dans les cordages. De ce jour ils ne lui appartiennent plus. S’ils n’ont pas reçu le don divin de commander aux éléments, ils sont impitoyablement jetés à la mer avec cette épithète : incapables ! autant dire : hommes.

Il en résulte je ne sais quelle aversion pour ceux qui ont échappé à l’ouragan, et toutes les fois qu’il voit sur sa route une de ces grandes ombres qui s’allonge au crépuscule, de l’histoire, il lui crie : « Ôte-toi du soleil de la France ! »

Dieu nous garde de défendre ceux qu’il a attaqués ! Quiconque a le courage de se laisser élever sur le pavois des peuples, se dévoue à toutes les injustices : c’est moins un trône que la sellette des accusés.

Avant de reprocher au Gouvernement provisoire son incapacité et son ineptie, il eût été bon de montrer où était le génie, où les gens éclairés. Des brochures par milliers, des projets de constitution par centaines sont là qui attestent que tout le monde eut la parole dans le conseil souverain d’un peuple libre. Pourtant le remède n’est pas là, pas plus qu’ils n’indiquent où était le mal. D’ailleurs, devant des assertions comme celles-ci : que l’éloquence de Lamartine n’était qu’un assemblage de mots vides et que l’abolition de la peine de mort au lendemain des journées de Février ne signifiait absolument rien, que faire ? sinon laisser l’auteur à son mal, qui n’est pas contagieux en France, Dieu merci !

Mais à côté de ce premier grief, s’en place un autre que l’histoire repoussera et que la critique ne peut accepter. La res-