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LA REVUE DE PARIS

Accoutumé à tout attendre d’en haut, comme à tout y rapporter, ce peuple ne perdra pas en un jour l’habitude funeste de confondre le mot pays dans le mot gouvernement et de demander aux régimes nouveaux, non des institutions politiques qui lui rendent l’exercice de son activité dans l’ordre social, mais des reformes dans ces faits qui s’appellent prospérité et abondance du travail, qu’une dictature ne donne pas, qui ne peuvent se décréter, mais qui sont le résultat collectif des efforts, de la bonne volonté et de l’action de tous.

Ajoutez à cela cette question de l’avenir qui se pose à tous les esprits et les tient en suspens, cette redoutable menace qui s’appelle l’inconnu, X mystérieux d’un problème dont les deux autres termes sont un pays ruiné et un peuple étranger aux travaux d’une république libre, cette incertitude enfin d’une révolution qui met tout en question, où toutes les classes courent un danger, où tous les intérêts sont engagés, et vous aurez une idée presque exacte de la situation faite à toutes, les républiques par le passé, par les gouvernements antérieurs et par la nature. La justesse de ces considérations lorsqu’on se reporte à l’histoire de nos deux républiques est telle qu’il semble y avoir des règles pour cette évolution des idées politiques comme pour la marche des mondes aériens. C’est toujours au même point et à la même heure que la liberté passe dans le ciel des peuples : c’est toujours dans un ciel assombri et chargé d’orages.

Il faut reconnaître dès lors qu’il y a une logique des choses et un enchaînement des faits, facile à suivre, et que le meilleur historien est celui qui comprend le mieux cette toute-puissance du passé qui est à l’avenir comme la cause à l’effet.

La première Révolution commence à Luther, et ce premier gouvernement du peuple porta le poids des colères et des haines amassées pendant des siècles.

La Révolution de 48 commence au premier Empire : elle succomba sous le fardeau écrasant des besoins réveillés et consacrés par la première République, inassouvis durant ce règne de la force et ce gouvernement de l’épée, aigris par la Restauration, défiés par le Gouvernement de Juillet ; elle succomba surtout à cette impuissance résultant de l’asservissement et de l’irresponsabilité du peuple pendant cinquante