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— Connaissez-vous un hôtel tranquille ? Je puis envoyer chercher ma femme de chambre dans la matinée.

— Un hôtel, ici, où vous puissiez aller seule ? C’est impossible.

Elle repartit avec une faible lueur de son ancien enjouement :

— Qu’est-ce qui est possible alors ? Il fait trop humide pour dormir dans les jardins.

— Mais il doit y avoir quelqu’un…

— Quelqu’un chez qui je puisse aller ?… Bien entendu !… une foule de gens… mais à cette heure-ci ?… Comme vous voyez, mon changement de plan a été assez brusque.

— Mon Dieu !… si vous m’aviez écouté ! — s’écria-t-il, son impuissance aboutissant à un éclat de colère.

Elle le tint encore à distance par la douce raillerie de son sourire :

— Mais ne l’ai-je pas fait ?… Vous m’avez conseillé de quitter le yacht : je le quitte.

Il vit alors, avec un remords affreux, qu’elle n’avait l’intention ni de s’expliquer ni de se défendre ; que, par son misérable silence, il avait perdu toute chance de l’aider et que l’heure décisive était passée.

Elle s’était levée, elle était debout devant lui, dans une sorte de majesté voilée, comme une reine détrônée partant avec tranquillité pour l’exil.

— Lily ! — s’écria-t-il, sur un ton d’appel désespéré.

Mais elle le reprit avec douceur :

— Oh ! pas maintenant.

Puis, avec toute l’aménité de son calme reconquis :

— Puisqu’il faut que je trouve un abri quelque part, et puisque vous êtes assez aimable pour m’aider…

Il se ressaisit alors :

— Vous ferez ce que je vous dirai ? Il n’y a qu’une chose à faire : il faut que vous alliez tout droit chez vos cousins Stepney.

— Oh ! — murmura-t-elle, avec un mouvement de résistance instinctive.

Mais il insista :

— Venez… Il est tard, et il faut que vous ayez l’air d’être allée chez eux directement.