déterminent, chez l’auditeur, d’abord de la lassitude, puis de l’impatience ; et, une fois leur conversation terminée, Selden commença à sentir qu’il avait fait tout ce qui était en son pouvoir et qu’il avait le droit de se laver les mains des conséquences.
C’était dans cette humeur qu’il regagnait la gare quand il croisa miss Bart ; après leur bref échange de paroles, bien qu’il poursuivît automatiquement son chemin, il avait conscience d’une modification graduelle dans ses projets. Cette modification avait été causée par le regard de miss Bart ; et, désireux de définir la nature de ce regard, il se laissa tomber sur un siège, dans les jardins et se mit à méditer… En somme, il était assez naturel qu’elle parût anxieuse : une jeune femme qui se trouve placée, dans l’intimité d’une croisière, entre deux époux à la veille d’un désastre, pouvait à peine, sans compter ses inquiétudes pour ses amis, demeurer insensible au désagrément de sa propre situation. Le pire était, que, pour interpréter l’état moral de miss Bart, des versions nombreuses et contradictoires étaient possibles, et l’une d’elles, dans l’esprit troublé de Selden, prit la vilaine forme suggérée par Mrs. Fisher. Si la jeune fille avait peur, était-ce pour elle-même ou pour ses amis ? Et dans quelle mesure sa crainte d’une catastrophe s’accroissait-elle du sentiment qu’elle y serait fatalement mêlée ? Les torts se trouvant manifestement du côté de Mrs. Dorset, cette conjecture semblait, à première vue, gratuitement désobligeante ; mais Selden savait que, dans la querelle matrimoniale la plus unilatérale, il y a d’habitude des contre-accusations à produire, et que, plus le grief originel est criant, plus on les produit avec audace.
Mrs. Fisher n’avait pas hésité à suggérer que Dorset épouserait probablement miss Bart, s’il « arrivait quelque chose » ; et, bien qu’elle fût connue pour la témérité de ses conclusions, Mrs. Fisher était assez habile à lire les signes d’où elle les tirait. Dorset avait apparemment témoigné un intérêt marqué à la jeune fille ; et sa femme, dans la lutte qu’elle soutiendrait pour se réhabiliter, pourrait en dériver un cruel avantage. Selden savait que Bertha combattrait jusqu’à la dernière cartouche : une conduite imprudente s’associait chez elle, assez illogiquement, à une froide résolution d’en