Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/372

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nice. Et il raconte, à qui veut l’entendre, que Dorset et vous êtes revenus seuls, à minuit passé.

— Seuls ?… Quand il était avec nous ?…

Lily se mit à rire, mais son rire cessa, et elle devint grave sous le regard prolongé, le regard accusateur de Mrs. Fisher.

— En effet, nous sommes revenus seuls… y a-t-il là quelque chose de si terrible ?… Mais à qui la faute ? La duchesse passait la nuit à Cimiez avec la princesse royale ; Bertha s’ennuyait à la fête et elle est partie de bonne heure, nous donnant rendez-vous à la gare. Nous y étions à l’heure ; mais elle, non… elle n’a jamais paru !

Miss Bart fit cette remarque sur le ton d’une personne qui présente, avec une assurance nonchalante, une complète justification ; mais Mrs. Fisher l’accueillit d’une manière peu logique ; elle semblait avoir perdu de vue le rôle qu’avait joué son amie dans l’incident, sa vision intérieure obliquait.

— Vous dites que Bertha n’a jamais paru ?… Mais alors comment diable est-elle rentrée ?

— Oh ! par le train suivant, je suppose : il y avait deux trains supplémentaires, à cause de la fête… En tout cas, je sais qu’elle est saine et sauve à bord du yacht, bien que je ne l’aie pas encore vue ; mais avouez que ce n’est pas ma faute ! — conclut Lily.

— Pas votre faute que Bertha n’ait pas paru ?… Ma pauvre enfant, pourvu seulement que ce ne soit pas vous qui payiez cela !

Mrs. Fisher se leva : elle venait de voir Mrs. Bry qui revenait vers elle.

— Voici Louisa, il faut que je vous quitte… Oh ! nous sommes dans les meilleurs termes, en apparence ; nous déjeunons ensemble ; mais, au fond, c’est de moi qu’elle déjeune !

Puis, avec une dernière poignée de main et un dernier regard, elle ajouta :

— N’oubliez pas que je vous la lègue ; elle erre, en ce moment, toute prête à vous accueillir…


L’impression produite sur Lily par les adieux de Mrs. Fisher, elle l’emporta hors du casino. Elle avait fait, avant de partir, les premiers pas pour rentrer dans les bonnes grâces de