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Vous êtes trop bonne de vous souvenir de moi, ma chère ; mais, vraiment…

— Vous voulez dire que vous êtes déjà pourvue ? (Mrs. Fisher lui lança un coup d’œil acéré.) Mais l’êtes-vous réellement, Lily… au point de rejeter mon offre ?

Miss Bart rougit lentement.

— Ce que je voulais dire, c’est que les Bry ne se soucieraient nullement que l’on disposât ainsi d’eux.

Mrs. Fisher continua de sonder son embarras d’un regard inflexible :

— Ce que vous voulez dire, c’est que vous avez impitoyablement lâché les Bry… et vous savez qu’ils le savent.

— Carry !

— Oh ! sur certains points, Louisa a l’épiderme très sensible. Si seulement vous vous étiez arrangée pour les faire inviter une fois à bord de la Sabrina… surtout un jour d’Altesses Royales !… Mais il n’est pas trop tard, — acheva-t-elle vivement, — il n’est trop tard, ni pour vous ni pour eux.

Lily sourit :

— Restez, et je me charge d’obtenir que la duchesse dîne avec eux.

— Je ne resterai pas : les Gormer ont payé mon salon-lit, — répondit Mrs. Fisher avec simplicité. — Mais faites dîner la duchesse avec eux tout de même.

Le sourire de Lily se changea de nouveau en un rire léger : l’insistance de son amie commençait à lui paraître incorrecte.

— Je regrette d’avoir négligé les Bry…, — commença-t-elle.

— Qu’importe les Bry ?… c’est à vous que je pense, — dit brusquement Mrs. Fisher.

Elle s’arrêta, puis, se penchant vers Lily, elle lui dit en baissant la voix ;

— Vous savez que nous sommes tous allés à Nice, hier soir, après le lâchage de la duchesse. C’était l’idée de Louisa… je lui ai dit ce que j’en pensais…

Miss Bart fit un signe d’assentiment :

— Oui : je vous ai aperçus en revenant, à la gare.

— Eh bien, l’homme qui était dans le compartiment avec vous et George Dorset, cet affreux petit Dabham qui fait la Chronique mondaine de la Riviera, avait dîné avec nous à