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rentrés chacun chez soi… Le fait est que je les ai perdus dans la foule peu après le dîner, et que je me suis réfugié ici, pour mon malheur… Ils avaient des places réservées sur une estrade ; mais, naturellement ! ils n’ont pas pu rester tranquilles : la duchesse en est incapable… Elle et miss Bart sont parties en quête de ce qu’elles appellent des aventures : Seigneur ! ce n’est pas leur faute si elles n’en ont pas d’étranges !

Il ajouta, en « sondeur », après avoir tâté ses poches pour chercher une cigarette :

— Miss Bart est une vieille amie à vous, n’est-ce pas ? Oui, elle me l’a dit… Ah ! merci… Je crois bien qu’il ne m’en reste pas une seule…

Il alluma la cigarette que Selden lui offrait, et continua, de sa voix haute et traînante :

— Cela ne me regarde pas, naturellement… mais ce n’est pas moi qui l’ai présentée à la duchesse… C’est une charmante femme que la duchesse, vous comprenez… et c’est une très bonne amie à moi… mais d’éducation plutôt libre…

Selden accueillit ces paroles en silence, et, après quelques bouffées, lord Hubert reprit :

— Ce sont des choses qu’on ne peut pas dire à la jeune personne elle-même… quoique les jeunes personnes, aujourd’hui, aient assez de compétence pour juger de ce qui leur convient… Mais, dans le cas présent… je suis un vieil ami, moi aussi, vous savez… et je ne voyais personne d’autre à qui parler. La situation est un peu embrouillée, à ce qu’il me semble… mais il y avait autrefois une tante quelque part, une femme innocente et diffuse, admirable dans l’art de jeter des ponts sur des abîmes qu’elle ne voyait pas… Ah ! elle est à New-York ? Dommage que New-York soit si loin !…

XVII


Miss Bart, sortant tard de sa cabine, le lendemain matin, se trouva seule sur le pont de la Sabrina.

Les fauteuils à coussins capitonnés, hospitalièrement disposés sous la vaste tente, ne montraient aucun signe d’occupation récente : elle apprit bientôt d’un steward que Mrs. Dorset